Opéra, 10 mai
Réunissant l’Opéra de Rennes, Angers Nantes Opéra, l’Opéra Grand Avignon et l’Opéra de Toulon, cette nouvelle production de Die Fledermaus (Vienne, 1874) a tous les atouts de son côté : distribution pétillante, orchestre et chef pleins d’allant, mise en scène ingénieuse, décors astucieux, costumes élégants…
Jean Lacornerie prend le parti de donner les morceaux chantés en allemand et les textes parlés en français, et il invente une protagoniste importante : la Narratrice. Elle interprète les dialogues, et permet de s’y retrouver dans le dédale de personnages ayant tendance à mentir et à se déguiser. La comédienne Anne Girouard (Guenièvre dans la série télévisée Kaamelott !) l’incarne avec beaucoup d’abattage. Elle joue aussi Frosch, le geôlier porté sur la bouteille ; son numéro est amusant, mais un tantinet longuet.
Décors et costumes sont à dominante noire et dorée. Au début apparaissent des cadres ouvragés, qui laissent voir d’abord des mains en mouvement, puis de petits tutus, et enfin les protagonistes eux-mêmes, prenant la pose. Pour les actes suivants, la paroi ornée de cadres s’écarte, révélant un grand escalier rouge : il a la faculté de tourner sur lui-même et d’accueillir, à son sommet, un personnage qui harangue les choristes.
Ceux-ci portent une cape noire au revers doré, cette couleur s’accordant avec celle du rideau qui, un instant, masque la scène. Certains gags sont particulièrement réussis, comme celui des plumeaux qui, maniés par les domestiques, se transforment en grands éventails à plumes d’autruche…
Sous la direction avisée de Claude Schnitzler, l’Orchestre National de Bretagne brille de mille feux. Le Chœur de Chambre Mélisme(s) prend soin de respecter le style viennois ; ses interventions sont aussi divertissantes que bien menées. La distribution, enfin, frappe par sa jeunesse et sa fougue.
La ravissante Eleonore Marguerre est une délicieuse Rosalinde, tandis que Claire de Sévigné et Veronika Seghers, en Adele et Ida, campent des domestiques fines mouches et bien chantantes. Les messieurs ne sont pas en reste, faisant entendre des voix pleines de fraîcheur. De plus, ce sont d’excellents comédiens, que la mise en scène met en valeur.
Stephan Genz en Eisenstein (le mari volage), Milos Bulajic en Alfred (le séducteur rusé), Thomas Tatzl en Falke (l’ami manipulateur), François Piolino en Blind (l’avocat bègue), tous font sonner leurs airs de bravoure. Horst Lamnek fait de Frank, le directeur de la prison, une « ganache » irrésistible. Enfin, dans le rôle travesti d’Orlofsky, l’extravagant prince russe, juché sur des escarpins dorés et couronné d’une tiare endiamantée, Stephanie Houtzeel se montre aussi drôle que séduisante.
Ce spectacle a fait l’objet d’une captation, le 10 mai, à l’Opéra de Rennes, sans public, mais avec quelques journalistes dans la salle. Le film ainsi obtenu devrait être diffusé, le 9 juin, sur grand écran, aussi bien en plein air que dans des lieux fermés, dans les Régions Bretagne et Pays de la Loire.
Puis, si tout va bien, la production sera donnée, devant des spectateurs, à Avignon, les 19 et 20 juin, puis à Toulon, pour les fêtes de fin d’année. Pour connaître ce bonheur, l’Opéra de Rennes et Angers Nantes Opéra devront attendre la saison 2022-2023.