À l’affiche de l’Opéra Bastille, jusqu’au 9 juillet, dans La forza del destino, la mezzo-soprano franco-arménienne part ensuite pour le « Rossini Opera Festival » où l’attend, le 11 août, une nouvelle production de Semiramide, signée Graham Vick, avec Michele Mariotti au pupitre.
Quel est votre rapport avec la musique de Rossini ?
Je l’aime beaucoup ! Rossini nous a beaucoup gâtées, nous les mezzos, et sa musique est merveilleusement écrite pour la voix. En réalité, je ne l’ai pas énormément chantée, mais avec toujours le même plaisir. J’ai abordé Arsace dans Semiramide à Montpellier, en 2010. Puis je l’ai repris, en version de concert, à Marseille et à Moscou, en 2015.
C’est un rôle réputé parmi les plus difficiles de Rossini…
Chez Rossini, les tessitures sont toujours extrêmement étendues, du grave à l’aigu, mais ses opéras sont bien conçus, ménageant des moments de repos pour l’interprète. Arsace est un rôle magnifique, avec des airs et des duos superbes. Il est certainement périlleux à chanter, et surtout très long. Mais si on l’aborde avec joie et plaisir, la moitié des difficultés disparaît !
Comment voyez-vous le personnage ?
Jeune, héroïque, assez fort quand il exprime son amour pour Azema. Avec aussi de touchants moments de faiblesse, quand il découvre que Semiramide est sa mère, et qu’elle a participé au meurtre de son père. Jusqu’à la fin de l’opéra, ce poids pèse sur ses épaules, même s’il cherche à préserver son sens du devoir. Chez Arsace, il y également une certaine tristesse après avoir tué sa mère, alors qu’il voulait frapper Assur. Sa victoire finale n’en est donc pas vraiment une ; du reste, il commence par refuser le trône qui lui revient en héritage. Beaucoup de facettes et de sentiments contrastés, donc, qu’illustre très bien la musique de Rossini.
Comment êtes-vous arrivée au « Rossini Opera Festival » de Pesaro ?
J’ai auditionné pour Alberto Zedda, le directeur artistique du « ROF », qui nous a hélas quittés en 2017. Ma voix lui a plu et il m’a engagé pour Malcolm dans la nouvelle production de La -donna del lago, en 2016.
Chanter Rossini à Pesaro, n’est-ce pas un peu spécial ?
Quand j’ai chanté La donna del lago, il y a trois ans, j’ai immédiatement -ressenti, non pas une inquiétude, mais une responsabilité. Pesaro est la ville natale de Rossini, le public du Festival est fait de connaisseurs, qui viennent souvent de loin pour entendre ses opéras, et il est difficile de ne pas éprouver un zeste d’appréhension. Heureusement, tout s’est très bien passé. Pesaro, c’est aussi une ambiance particulière, avec la mer, le soleil… La ville diffuse des ondes positives et nous facilite la tâche. Nous sommes évidemment là pour travailler, mais il y a quand même comme une impression de vacances !
Vous chantez beaucoup de rôles travestis. N’est-ce pas difficile de se couler dans la peau d’un homme ?
Pas du tout ! C’est une question que l’on me pose souvent, et je réponds que j’y prends beaucoup de plaisir. Peut-être parce que je suis quelqu’un d’assez fort dans la vie, ce qui m’aide à me glisser dans la peau d’un héros masculin.
À côté de ces rôles d’hommes, vous incarnez souvent Carmen, sommet de féminité qui constitue l’un des piliers de votre répertoire. Comment voyez-vous le personnage ?
D’une manière différente à chaque fois que j’y reviens. Plus je prends de l’âge, plus je fais attention à des détails qui m’avaient auparavant échappé. Mais ma conception de base ne change pas : une femme fatale, forte, qui, dès son entrée, dévoile qui elle est. À partir de là, les couleurs varient, plus ou moins claires… ou sombres.