Alors qu’il vient de souffler ses 74 bougies, l’un des plus fameux Don Giovanni des années 1970, désormais retiré des scènes, a reçu Opéra Magazine pour évoquer les grandes étapes de sa carrière.
Roger Soyer est né à Thiais, commune du département de la Seine (aujourd’hui située dans le Val-de-Marne), en septembre 1939. C’est l’expérience du chant choral au sein d’une manécanterie, qui l’incite à se diriger vers l’art lyrique. D’abord élève de Georges Daum, il poursuit ensuite ses études au Conservatoire de Paris, auprès de Georges Jouatte (pour la voix) et de Louis Musy (pour le jeu). En 1961-1962, Roger Soyer remporte le Prix de chant et d’opéra-comique, puis le Prix d’opéra, avec le grand air de Philippe II dans Don Carlos.
« C’est Gabriel Dussurget, présent lors de mon concours de sortie du Conservatoire, qui m’a offert mes premiers engagements. Ainsi, en octobre 1962, j’ai participé, au Théâtre des Champs-Élysées, à la création mondiale de L’Opéra d’Aran de Gilbert Bécaud, sous la direction musicale de Georges Prêtre. J’y tenais le petit rôle du vieux Mac Creagh. »
L’année 1963 voit les débuts de Roger Soyer à la Salle Favart, mais aussi à la Piccola Scala de Milan : Les Mamelles de Tirésias, pour la première italienne de l’opéra de Poulenc, aux côtés de la grande Denise Duval et sous la baguette de Nino Sanzogno. Dès 1964, la jeune basse paraît sur la scène du Palais Garnier, y abordant plusieurs seconds rôles formateurs. Le plus mémorable demeure Sciarrone dans Tosca, auprès de Maria Callas et Tito Gobbi : « J’observais ces monstres sacrés depuis les coulisses… Leur engagement scénique était incroyable ! Il s’agissait d’une vraie leçon pour un débutant comme moi. »
En 1965, il se produit au Festival d’Aix-en-Provence, alors dirigé par Gabriel Dussurget, dans L’Orfeo de Monteverdi (Caronte et Plutone) et, en 1966, au Festival de Salzbourg. Il y chante Moralès dans Carmen, sous la baguette d’Herbert von Karajan et entouré d’une prestigieuse distribution : Grace Bumbry (Carmen), Mirella Freni (Micaëla) et Jon Vickers (Don José). La carrière de Roger Soyer commence alors à prendre un bel essor, avec Roméo et Juliette à Miami et La Jolie Fille de Perth au Festival de Wexford.
AIX COMME TREMPLIN
En 1969, pour ses 30 ans, le fidèle Dussurget lui propose d’incarner Don Giovanni à Aix-en-Provence, dans la légendaire production de Jean Meyer et Cassandre, succédant ainsi à Renato Capecchi et Gabriel Bacquier : « C’était un ambitieux challenge à relever. J’ai abordé le rôle en me démarquant de mes prédécesseurs, avec simplicité et naturel, sans charger. » Il partage l’affiche avec Teresa Stich-Randall, puis, lors de la reprise de 1972, avec Edda Moser. Le succès – tant public que critique – est immense, et le nom de Roger Soyer est désormais sur toutes les lèvres.
Sa carrière prend, en très peu de temps, une dimension vraiment internationale, notamment grâce à Don Giovanni, son rôle de référence, qu’il va parfaire et approfondir sur les plus grandes scènes lyriques du monde : Vienne (avec Leonie Rysanek), New York, Buenos Aires, Munich, Cologne (avec Margaret Price et Lucia Popp), Prague, Genève (avec Anna Tomowa-Sintow et Rachel Yakar), Bruxelles ou Édimbourg (sous la baguette de Daniel Barenboim). Il est invité à San Francisco (Faust), Lisbonne (Lucrezia Borgia, avec Montserrat Caballé et José Carreras) et Venise.
L’année 1972 est particulièrement faste : première parisienne de South (Sud), opéra du compositeur américain Kenton Coe, d’après la pièce de Julien Green, au Palais Garnier ; Faust à Amsterdam (Concertgebouw) ; La Damnation de Faust à New York (Carnegie Hall) ; Benvenuto Cellini à Londres (Royal Albert Hall)… et Il barbiere di Siviglia, au Capitole de Toulouse.