Après plusieurs films autour de la danse et du ballet, dont En Corps, sorti en 2022, le cinéaste français débute dans le théâtre lyrique, avec Die Zauberflöte. Coproduction du Théâtre des Champs-Élysées, de l’Atelier Lyrique de Tourcoing, du Théâtre Impérial-Opéra de Compiègne et de l’Opéra Nice Côte d’Azur, sa mise en scène sera dévoilée, à Paris, le 14 novembre.
Comment ce projet est-il né ?
Michel Franck, le directeur général du Théâtre des Champs-Élysées, m’a fait part, il y a trois ou quatre ans, de son intention de me confier une mise en scène d’opéra. Il avait d’abord songé à La Bohème, en raison de mon rapport particulier à Paris, mais cet ouvrage ne me touche pas. C’est pourquoi je lui ai suggéré Die Zauberflöte, que j’adore.
Que représente, pour vous, le genre de l’opéra, que vous abordez pour la première fois ?
C’est, avant tout, l’idéal d’un spectacle total, où se conjuguent le chant, la musique et le jeu d’acteurs, dont on ne peut, toutefois, ignorer la dimension classique. Assembler ces différents paramètres artistiques peut s’avérer compliqué.
À quoi êtes-vous particulièrement sensible dans Die Zauberflöte ?
J’ai beaucoup écouté cet opéra, en m’abandonnant à l’enchantement du chant, la flûte transportant l’être humain dans une autre dimension. Le titre de l’ouvrage rappelle, symboliquement, le rôle de l’art, qui élève l’homme de façon métaphysique. Je vois, par ailleurs, dans le livret, toute une réflexion sur notre rapport à la nature. La civilisation incarnée par le monde de Sarastro s’oppose, dès lors, à la sauvagerie de la Reine de la Nuit.
Vous racontez, au cinéma, des parcours initiatiques. Tamino et Pamina pourraient-ils être des personnages de l’un de vos films ?
Je montre, dans mes films, des gens ordinaires, qui portent en eux des fragilités. L’intrigue de cet opéra possède une dimension shakespearienne, avec ses deux protagonistes nobles, animés par un idéal de grandeur. Dans Les Poupées russes, Celia Shelburn est un mannequin, qui fait rêver ; je la traite comme une princesse, mais elle n’est pas Pamina.
La danse occupe une place essentielle dans plusieurs de vos films. De quelle manière cela va-t-il nourrir votre spectacle ?
Tout dépendra de l’envie des chanteurs d’aller, ou non, dans cette direction (1). Je souhaite un travail physique, basé sur le geste plutôt que sur la danse, mais où rien ne sera imposé.
Votre regard de cinéaste influencera-t-il votre direction d’acteurs ?
Die Zauberflöte est ma première expérience théâtrale ; il s’agit donc d’une découverte totale. Mais ma capacité à amener les chanteurs vers une sincérité, pour incarner leurs rôles, me rassure. Cette mise en scène n’en reste pas moins très différente de ce que j’ai l’habitude de faire au cinéma, où je ne présente que des œuvres réalistes. Il me faut oublier mes repères, pour investir un espace symbolique.
Comment présenteriez-vous la scénographie de Clémence Bezat ?
L’opéra pousse à l’ampleur et à la démesure, mais nous nous efforçons de créer des images poétiques assez simples, tout en offrant du spectaculaire, dans une sorte de « minimalisme baroque ». Je ne sais pas encore si le résultat sera plutôt classique ou contemporain, mais le choc des deux m’intéresse particulièrement.
Vos échanges avec le chef d’orchestre François-Xavier Roth entrent-ils en résonance avec ceux que vous entretenez avec les compositeurs, au cinéma ?
Le rapport entre les images et la musique est aussi fort, mais pas de la même manière qu’au cinéma, où la création est totale. Je dois, en effet, me plier à une partition qui existe déjà, en m’imprégnant de la façon de jouer de l’orchestre Les Siècles, afin de construire le rythme du spectacle.
Avez-vous d’autres rêves, dans le domaine de l’opéra ?
Cette expérience m’apporte beaucoup de joie, mais j’attends le résultat final pour répondre à cette question. J’aime exercer ma liberté de création dans des domaines aussi éclectiques que le court métrage, le documentaire ou les expositions de photos, et faire ainsi des pas de côté.
CHRISTOPHE GERVOT
(1) L’entretien a été réalisé le 17 septembre 2023, avant le début des répétitions.