Le 7 février, le chef danois dirige le premier opéra de son mandat à l’Opéra Orchestre National Montpellier : Turandot, dans l’immense vaisseau de l’Opéra Berlioz, dans une mise en scène de Yannis Kokkos, créée à Nancy, en 2013.
Que pensez-vous de Turandot ?
Les opéras de Puccini me poursuivent depuis longtemps : ils représentent une part importante de ma vie musicale. J’ai découvert La Bohème à l’âge de 8 ans, et j’ai dirigé Tosca et Madama Butterfly, notamment au Covent Garden de Londres. Turandot est une œuvre -inachevée, qui présente une autre couleur, celle de la musique du XXe siècle. C’est un opéra qui parle d’amour et qui, comme Aida, se révèle très intime.
Quel regard portez-vous sur le finale de Franco Alfano, traditionnellement exécuté ?
Il y a eu d’autres écritures de ce finale, notamment celle de Luciano Berio, créée en 2002. J’accepte, pour ma part, la proposition d’Alfano. Il y a certes une rupture, après la mort de Liù, mais on ne doit pas chercher à la cacher, on peut même jouer avec elle. Il est, de plus, indispensable de montrer cette conclusion, où la personnalité réelle et l’intimité sublime de Turandot se dévoilent.
Le spectacle proposé à Montpellier coproduit par l’Opéra National de Lorraine, où il a été créé en 2013, et par l’Opéra-Théâtre de Metz est signé par Yannis Kokkos. De quelle manière envisagez-vous le travail avec le metteur en scène pour cette reprise ?
J’entre toujours en contact avec les metteurs en scène deux ans avant le début des répétitions, la dimension visuelle et l’aspect auditif étant intimement liés. Les coproductions sont aujourd’hui nécessaires, car l’opéra coûte très cher. Pour cette reprise de Turandot, la distribution a presque entièrement changé par rapport à Nancy, nous ne sommes plus dans la même ville et le monde dans lequel nous vivons n’est plus celui de 2013. La réalité se réfléchit inévitablement dans tout spectacle, car celui-ci est amené à bouger. Il ne peut pas être coupé de ce qui l’entoure, ni des événements qui agitent la société. Avec Yannis Kokkos, nous allons créer quelque chose de différent, et certainement trouver d’autres visions, notamment en écoutant les chanteurs. Un souvenir me revient : en 1991, à l’occasion de l’année Mozart, j’ai dirigé une nouvelle production de Don Giovanni, à l’Opéra de Nice. Nous avons répété avec la même troupe pendant sept semaines, et tous les détails étaient réglés. Après la première, la télévision a montré les images d’un bombardement sur Bagdad ; nous étions en pleine guerre du Golfe. La représentation du lendemain a été différente, car le monde avait tremblé. Tout était devenu plus noir et plus menaçant. Cette expérience montre combien le spectacle vivant dialogue en permanence avec l’actualité.