À partir du 23 mars, avec Paul McCreesh au pupitre, le nouvel administrateur général de la Comédie-Française met en scène l’ultime succès de Louis-Ferdinand Hérold à l’Opéra-Comique, en signant lui-même les décors.
Formé à Paris, à l’École Nationale Supérieure des Arts Appliqués et des Métiers d’Art, ainsi qu’au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique. Entre à la Comédie-Française le 1er septembre 1993, en devient sociétaire le 1er janvier 1998, puis administrateur général le 16 juillet 2014. A signé les décors de deux opéras mis en scène par Denis Podalydès, à Paris : Fortunio à l’Opéra-Comique (2009) et La clemenza di Tito au Théâtre des Champs-Élysées (2014).
On n’a pas joué Le Pré aux Clercs à la scène, en France, depuis la production nantaise de 1990. Comment abordez-vous cette rareté qui, quatre ans avant Les Huguenots, évoque déjà le contexte historique du règne de Charles IX ?
L’an passé, à la Comédie-Française, j’ai joué Lucrèce Borgia de Victor Hugo (1833), qu’une année seulement sépare de la création du Pré aux Clercs (1832). Le courant littéraire est le même. Dans les deux cas, en effet, le poète a la volonté de faire descendre les personnages de leur piédestal, pour les présenter dans leur humanité souffrante et non comme des bustes de marbre. L’objectif est de faire comprendre au public les petitesses et les hasards à partir desquels, au cours de l’histoire, des décisions lourdes de conséquences ont été prises. Pour ce faire, l’auteur convoque tous les genres dans un fantasme de spectacle total, avec beaucoup de personnages, d’intrigues, de changements de décors et, dans le cas du Pré aux Clercs, une partition très théâtrale, entièrement au service de la scène. Face à un opéra de ce type, reposant avant tout sur l’incarnation, mes premiers réflexes sont donc ceux d’un comédien. Ce théâtre-là, où l’on doit investir le terrain émotionnel, ne se joue pas à moitié. Mon but est triple : défendre avec sérieux une œuvre qui est aussi très drôle, la rendre à son fantasme originel et faire entendre ses grands moments musicaux.Comment allez-vous vous y prendre ?
Je voudrais éviter au maximum le décorum ; en même temps, Le Pré aux Clercs est une fresque historique, qui doit pouvoir être située dans son époque. Les images du film de Patrice Chéreau, La Reine Margot, sont encore bien présentes, vingt ans après sa sortie. J’ai pensé à trois extérieurs : pour l’acte I, une forêt ; pour le II, un espace au pied du Louvre, palais-prison où réside Marguerite de Valois, les arbres de la forêt se rangeant alors comme dans un jardin à la française ; pour le III, celui situé précisément au Pré aux Clercs, un terrain de l’autre côté de la Seine, les arbres venant épouser le bord du fleuve. Des arbres à la fois réalistes et beaux, dont l’ordonnancement se civilise de plus en plus au fil des tableaux, traversés de lumières changeantes. Cette nature anonyme, non datée, permet une lecture plus neutre, moins empruntée à un imaginaire collectif « de cape et d’épée ». Les costumes d’époque sont un peu revisités, les protestants et les catholiques devant rester aisément repérables, pour que la subtilité des rapports transfuges entre grande et petite histoire soit immédiatement perceptible. La moitié de l’opéra est du texte parlé, une langue qu’il faut prendre à bras-le-corps et investir. Je m’efforce de construire un écrin universel, pour faciliter l’écoute d’un opéra injustement tombé dans l’oubli.
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