À partir du 14 mars, le chef italien dirige Orfeo ed Euridice dans le cadre du festival « Les Jardins mystérieux », organisé par l’Opéra de Lyon. Die Gezeichneten de Schreker et Sunken Garden de Michel van der Aa complètent la programmation
Né à Ravenne. Premier violon de la Capella Reial de Catalunya, puis, à partir de 1987, d’Il Giardino Armonico. En 2002, fait ses débuts comme chef d’orchestre et se produit à la tête de la Camerata de Berne, du Kammerorchester de Bâle, de l’Orchestre de l’Opéra de Lyon, du Real Orquesta Sinfonica de Séville, du Hallé Orchestra de Manchester…
Quelle version d’Orfeo ed Euridice avez-vous retenue ?
L’édition originale en italien, créée à Vienne, en 1762. Elle se situe au plus près de ce qu’il y a de révolutionnaire chez Gluck et son librettiste Calzabigi.
Révolutionnaire ?
Jusqu’à Orfeo ed Euridice, les compositeurs vivaient sur l’héritage de l’opéra baroque, avec sa division stricte entre air et récitatif. Les sentiments s’y exprimaient de manière stéréotypée. Calzabigi a essayé de créer quelque chose de plus unitaire. Pour la première fois, il n’y a pas de récitatifs secs dans un opéra et les premiers numéros de la partition sont confiés à un chœur, au sein duquel viennent s’insérer les interventions d’Orfeo. Différents affects sont donc mis en œuvre simultanément. Mais ce n’est pas pour autant un dialogue, un échange : Orfeo exprime sa douleur au-dessus du chœur.
Le théâtre retrouve ses droits…
Oui, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y avait pas de drame auparavant ! Il y en avait dans les opéras de Haendel, que Gluck connaissait et admirait. Dans sa démarche, le compositeur a également été influencé par le comédien David Garrick qui, à Londres toujours, interprétait les grands rôles de Shakespeare. Avant lui, il n’y avait guère d’interaction entre les acteurs, tout comme à l’opéra ; Garrick a été le premier à s’exprimer par des gestes, alors que les autres se bornaient à déclamer, et à passer d’un sentiment à l’autre avec des nuances expressives. Ce n’est pas un hasard si Guadagni, le castrat créateur d’Orfeo, était l’un de ses disciples… Une autre caractéristique d’Orfeo ed Euridice est la simplicité des sentiments.
N’y a-t-il pas là un paradoxe ? D’un côté, l’abandon du recitativo secco permet une expression plus fine de sentiments complexes ; de l’autre, vous parlez de simplicité…
Les sentiments sont exprimés de manière plus naturelle et plus directe, mais ils sont aussi plus profonds. Orfeo n’est plus un dieu, mais un humain. À Lyon, le rôle sera divisé entre deux chanteurs. Une idée du metteur en scène David Marton, inspirée par les Métamorphoses d’Ovide, dans lesquelles Orphée entre jeune dans les Enfers et en sort vieux. Le contre-ténor Christopher Ainslie incarnera Orfeo jeune, et la basse Victor von Halem, Orfeo âgé, en transposant d’une octave vers le bas. Quant au personnage d’Amore, il sera interprété par un petit chœur de six enfants, issus de la Maîtrise de l’Opéra de Lyon. Cette production est un spectacle expérimental !
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