Fondé en 1986, l’Opéra de Fribourg, en Suisse, a passé commande d’un nouvel ouvrage pour fêter son 30e anniversaire. Intitulé Carlotta ou la Vaticane, il sera à l’affiche, à partir du 31 décembre, sous la baguette de Laurent Gendre et dans une mise en scène de Denis Maillefer.
Vous avez longtemps partagé votre temps entre l’enseignement, la direction de chœur, la pratique du chant et la composition. Vous vous consacrez désormais à cette dernière activité. Votre corpus comprend des œuvres chorales, vocales, des pièces de musique de chambre, de musique orchestrale et de musique de scène. Quelles ont été les motivations qui vous ont incité à vous engager dans l’écriture d’un opéra ?
Alexandre Emery, le directeur général de l’Opéra de Fribourg, a souhaité marquer les 30 ans de la maison par la création d’un opéra contemporain. Il m’a passé commande de Carlotta ou la Vaticane, sur un livret de Christophe Passer, inspiré d’un fait divers qui s’est déroulé en 1998, au Vatican, dans le milieu des gardes suisses. Fait divers rapporté dans un livre par Stéphane Sapin, ancien garde pontifical. L’histoire relate une situation initiale vaudevillesque, qui se transforme en tragédie meurtrière. L’intensité de la trame contient la matière idéale d’un sujet d’opéra : les passions, les ambitions, la jalousie qui attise la félonie et la trahison, brisent les destins et tissent la gestuelle de la mort. Autant de thèmes qui ont inspiré mon développement musical pour donner vie aux personnages sur scène. J’ai consacré deux ans à l’écriture de cet ouvrage, qui représente une sorte d’aboutissement de mon cheminement de compositeur, en combinant les mondes de la voix, de l’orchestre et de la scène. Un défi passionnant !
La ligne dramaturgique est centrée sur le personnage de Carlotta. Comment avez-vous construit votre opéra autour de cette héroïne, séductrice et provocante, dont la présence magnétique provoque le désir et entraîne la mort ?
Carlotta est l’enjeu de cette tragédie passionnelle. Mon opéra décrit la liberté d’une femme belle, vive, sensuelle, qui connaît son charme et en joue sans remords pour obtenir l’avancement de son fiancé, Tibère, auprès de Konrad, en passe de devenir commandant de la garde suisse au Vatican. La charge érotique émanant de sa personne, qui aimante les hommes, est, selon elle, un don de Dieu, alors que le prêtre félon Eliseo, lui-même troublé, y voit la part du diable et la noirceur du péché. La force et la capacité de rébellion de Carlotta interrogent la place que l’Église accorde à la femme, pour mettre en perspective une dimension théologique que je souhaitais aussi explorer. Le rôle est confié à une soprano lyrique, dans la lignée des grandes héroïnes d’opéra, capable de s’imposer aussi bien dans la brillance que dans une tonalité plus intimiste.