J’aurais aimé ne pas avoir à reparler du Covid dans cet éditorial. Hélas, l’actualité récente est venue rappeler que la planète n’en avait pas fini avec ce fléau.
Pour ce qui concerne l’opéra, le premier coup de semonce est arrivé le 9 juin, quand la Monnaie de Bruxelles a annoncé le report au 15 juin de la première de sa production des Huguenots, prévue le 12. Des membres du chœur, de l’orchestre, de la distribution, des danseurs et des techniciens ayant été testés positifs, la direction n’a pas eu d’autre choix, « pour ne pas mettre davantage en péril la sécurité du personnel, du public et des artistes », comme l’indique le communiqué de presse. Le 15 juin, les représentations ont repris leur cours normal.
Par une malheureuse coïncidence, c’est précisément le jour où le Teatro del Maggio Musicale Fiorentino a été contraint de reporter à la fin du mois les deux dernières représentations d’Ariadne auf Naxos, prévues les 16 et 18 juin. Motif ? Daniele Gatti, nouveau chef principal de l’institution, avait attrapé le Covid.
Comment ne pas voir un rapport avec la remontée actuelle des cas de contamination, qui se traduit par des forfaits et des reports dans les secteurs les plus divers ? En parcourant Le Monde, le 17 juin, une information m’a ainsi sauté aux yeux, qui concerne le cyclisme : « Près de trente coureurs ont dû renoncer à prendre le départ de la 6e étape de la course [le Tour de Suisse], ce vendredi, entre Locarno et Moosalp, après des tests positifs au SARS-CoV-2. »
Le quotidien fait son travail en informant ses lecteurs, mais on a l’impression que beaucoup de Français, à commencer par les responsables politiques, n’y prêtent aucune attention, décidés à profiter à fond, et sans se soucier du lendemain, du retour à la normale opéré ces derniers mois. Comme le résume le philosophe Abdennour Bidar, toujours dans Le Monde, le 14 juin : « Un silence assourdissant a remplacé le vacarme effroyable. »
C’est d’autant plus perturbant que, ces dernières semaines, les articles ont fleuri autour de la question : « Une nouvelle flambée épidémique au cours de l’été sera-t-elle portée par les nouveaux variants d’Omicron ? » On peut les balayer d’un revers de la main, en les jugeant inutilement alarmistes, d’autant que la communauté scientifique s’avère, une fois de plus, incapable de s’accorder sur une réponse. On peut aussi les lire, sans pour autant s’interdire ensuite de profiter de la vie.
Ultime preuve que le Covid fait encore partie de notre quotidien, les conséquences des deux années de crise se font toujours sentir. L’une d’elles frappe plus particulièrement : les rangées de sièges vides. De l’Opéra National de Paris aux scènes de région, le constat est implacable. Pas pour toutes les productions, bien sûr, mais trop souvent pour ne pas inquiéter.
Il est impératif de connaître les motifs de cette désaffection. Et de savoir, en particulier, si les nouvelles habitudes de « consommation » de l’opéra, qui se sont développées de manière exponentielle pendant la pandémie, sont en cause. Beaucoup craignaient que l’essor du streaming fasse de l’ombre au spectacle vivant. Est-ce le cas ? Certains spectateurs, échaudés par les cascades d’annulations suivies de remboursements des deux dernières années, hésitent-ils à acheter des places ? Celles-ci, avec l’augmentation du coût de la vie (5,2 % au mois de mai !), sont-elles devenues trop chères ?
Autant de questions auxquelles il est, sans doute, difficile de répondre à chaud, mais qui risquent de peser lourdement dans les futures discussions entre les maisons d’opéra et leurs tutelles.
RICHARD MARTET