Le 12 février, l’Opéra-Comique propose la première nouvelle production de sa saison de réouverture : Fantasio d’Offenbach, avec Marianne Crebassa dans le rôle-titre. Le spectacle se joue au Châtelet, juste avant sa propre fermeture, la réintégration de la Salle Favart, entièrement rénovée, n’intervenant que le 26 avril, avec Alcione de Marin Marais. Olivier Mantei, directeur de l’institution, fait le point sur la situation à la veille du premier lever de rideau et dévoile ses projets.
L’Opéra-Comique sort d’une longue période de travaux ; vous devez être soulagé et satisfait…
Ni l’un, ni l’autre. Comme vous le savez, il y a un peu de retard et nous avons été dans l’obligation de reporter une création qui nous tenait beaucoup à cœur, La Princesse légère de Violeta Cruz, prévue au mois de mars. C’est toujours une frustration, et la nôtre est faible par rapport à celle des artistes. Mais ce n’est que partie remise ! Favart accueillera donc son public pour Alcione, en avril-mai, et cette perspective atténue notre peine, parce que la Salle n’a jamais été aussi belle. On le découvre, à chaque visite, par des détails visibles à l’œil nu, des frises, des ornements, des couleurs que l’on ne remarquait plus depuis des lustres, à cause de l’usure du temps. Plusieurs ajouts viennent, de surcroît, améliorer le confort des spectateurs ou l’accessibilité des personnes à mobilité réduite. Non seulement on respirera mieux, le gros des travaux ayant porté sur l’aération, mais tout le bâtiment a été mis à la disposition de tous les publics. Le seul bémol est qu’il a fallu supprimer une cinquantaine de places pour faire passer les gaines, celles destinées à rendre invisible le système d’aération, entre autres, mais rien n’a été dénaturé. Évidemment, cette suppression occasionne une perte financière d’environ 50 000 euros par an, mais nous devions en passer par là.
L’ouverture de saison se fait au Théâtre du Châtelet ; pour quelle raison ?
Cela n’a rien à voir avec le chantier. J’avais prévu de donner Fantasio ailleurs qu’à la Salle Favart, pour annoncer une saison s’étendant sur une année ; or, il se trouve que le Châtelet allait fermer pour une longue période de travaux, au moment où nous allions ouvrir… Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’Opéra-Comique se déplace place du Châtelet ; cela avait été le cas après l’incendie de la deuxième Salle Favart, en 1887. Le Châtelet offrant un plus grand nombre de places, c’est aussi une occasion de faire venir à l’opéra un public plus large, et surtout de pratiquer une politique tarifaire particulière ; je pense que le public le moins favorisé est celui des 25-35 ans, des gens qui sont entrés dans la vie active, qui ont un réel appétit lyrique et théâtral, mais pour qui rien n’est fait.
Votre premier spectacle est donc Fantasio ; pourquoi ce choix ?
Je voulais une œuvre du répertoire de la maison, de préférence peu donnée, mais d’une qualité artistique incontestable. C’est le cas ! Fantasio a disparu de la scène pour des raisons politiques ; après la défaite de 1870, Offenbach était « blacklisté » du fait de ses origines allemandes. À l’époque, il était en train de composer Les Contes d’Hoffmann, et ce chef-d’œuvre a occulté Fantasio. C’est dommage, parce que la musique, le livret, la construction sont exceptionnels ; nous ne sommes pas dans l’univers débridé de La Vie -parisienne, c’est plus profond, plus dramatique, au sens théâtral du terme. Et puis, Jérôme Deschamps et moi n’avions jamais programmé d’Offenbach à l’Opéra-Comique pendant notre mandat, excepté Les Brigands dans la mise en scène de Jérôme – un spectacle qui venait de l’Opéra National de Paris. Une nouvelle production s’imposait d’autant plus.