Fondé par Vincent Berthier de Lioncourt et le regretté Philippe Beaussant, en 1987, le Centre de musique baroque de Versailles souffle ses 30 bougies, cette année. Pour l’occasion, Hervé Burckel de Tell, son directeur général, et Benoît Dratwicki, son directeur artistique, ont conçu une programmation ambitieuse, aussi bien sur le territoire français qu’à l’international. Parmi les temps forts des prochaines semaines : Orfeo de Rossi, à Versailles, puis à Bordeaux et à Caen, à partir du 4 mars ; Naïs de Rameau, à Budapest, le 4 mars ; Chimène ou Le Cid de Sacchini, à Massy, le 14 mars, et à Herblay, le 25 mars ; Les Fêtes d’Hébé de Rameau, à l’Amphithéâtre Bastille, à partir du 22 mars ; la résurrection de Phèdre de Lemoyne, à Caen, les 27 et 28 avril ; et Le Temple de la Gloire de Rameau, à Berkeley, du 28 au 30 avril.
En 1987, Philippe Beaussant et Vincent Berthier de Lioncourt fondaient le CMBV. Quel était leur but ?
À cette époque, le répertoire baroque français était presque absent du panorama musical. D’où l’idée de créer un Centre chargé de le valoriser. L’implantation à Versailles était évidente, compte tenu des rapports historiques entre les compositeurs de cette période et la cour de France. Des endroits aussi symboliques que le Château, sa Chapelle Royale et son Opéra Royal rendaient, en outre, le projet particulièrement visible. Des thématiques se sont ainsi développées, dans le cadre des « Grandes Journées » du CMBV, autour de Lully, Rameau…
Qu’en est-il trente ans plus tard ?
La mission du CMBV est toujours celle de la valorisation du patrimoine français des XVIIe et XVIIIe siècles. Elle est mise en œuvre par les trois métiers constitutifs de l’institution : la recherche, la formation et les productions artistiques. Aucun pays ne possède une structure comparable à la nôtre, avec ce triptyque de pôles, réunissant des talents et des compétences uniques.
Mais, dans les années 2005-2010, des changements notables sont survenus…
Il est évident que les modalités de mise en œuvre ont été transformées, compte tenu des modifications de la vie en général, des contextes politiques, mais aussi du changement des pratiques musicales et de l’arrivée du numérique.
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Trente projets artistiques pour fêter les 30 ans du CMBV, c’est un programme copieux !
L’entreprise est effectivement ambitieuse, mais l’évolution du CMBV et les différents partenariats que nous avons noués nous y autorisent. Il fut un temps où nous ne programmions que deux opéras par saison ; cette fois, nous en proposons quinze, dont quatorze mis en scène. Désormais, nous produisons rarement seuls, et c’est là le grand changement ; cette redéfinition était nécessaire, et les apports financiers, qu’ils viennent d’Allemagne, d’Autriche ou des États-Unis, permettent une mutualisation des moyens, seule solution aujourd’hui pour accomplir de grandes choses.
Quel est donc votre rôle ?
Nous investissons moins dans chaque entreprise sur le plan financier, mais nous apportons à toutes notre savoir-faire ; nous aidons à faire connaître ce répertoire musical des XVIIe et XVIIIe siècles français, son style, son contexte historique, par exemple en intervenant dans l’élaboration des décors ou le choix des instruments. Tout ceci est passionnant. Il est évident que, quand nous soutenons Raphaël Pichon montant Dardanus, nous n’avons plus grand-chose à lui apprendre ! Notre démarche est alors très différente. Je reviens à l’instant de l’Opéra Bastille, où j’ai assisté à un « filage » des Fêtes d’Hébé de Rameau (1). Dans ce cas, notre travail s’inscrit dans plusieurs dimensions : artistique, mais aussi professionnelle, avec la formation des jeunes interprètes. Dans les collaborations internationales, nous retrouvons l’effervescence que nous avons connue il y a trente ans, quand le baroque commençait à s’installer durablement ; notre action de transmission et de sensibilisation est une sorte d’évangélisation !
Comment les échanges avec vos partenaires se passent-ils ?
Soit nous faisons des suggestions, soit ils nous font des propositions, selon leurs goûts et leurs envies. Lorsque nous restions à Versailles, nous avions le souci d’être originaux dans nos choix ; aujourd’hui, ce n’est pas un problème pour le CMBV d’être partie prenante dans plusieurs productions parallèles de Platée. De même, nous n’hésitons pas à nous associer, en même temps, avec les « Summer Festivities of Early Music » de Prague et avec le « Boston Early Music Festival », pour deux productions différentes du Carnaval de Venise de Campra, ni à participer à des projets sur lesquels, sans cela, nous ne nous serions pas penchés, comme L’Europe galante, qui sera montée en Allemagne.