Deux années de fermeture, une remise en activité reportée à plusieurs reprises, on finissait par douter que les portes du célèbre théâtre bruxellois rouvrent un jour ! Tous les travaux nécessaires n’ont pas été menés jusqu’à leur terme, mais le bâtiment est désormais en état de fonctionner. Lever de rideau, le 5 septembre, avec Pinocchio, le nouvel opéra de Philippe Boesmans, en coproduction avec le Festival d’Aix-en-Provence.
Après deux ans de fermeture, et une réouverture reportée à trois reprises, les travaux de rénovation de la Monnaie sont-ils vraiment achevés ?
Nous sommes censés avoir les clés dans les jours qui viennent (1). Nous allons entrer dans le théâtre pour la première fois depuis des mois, car l’accès au chantier nous était interdit. Même s’ils n’ont pas encore été installés, les fauteuils ont été livrés. Correctement planifié, tout ce travail aurait pu être réalisé en six mois. Quand nous avons compris que les délais ne seraient pas tenus, et que la réouverture n’aurait pas lieu en 2016 – ni en mars, avec Béatrice et Bénédict, ni en septembre, avec Macbeth, ni même en décembre, avec Le Coq d’or –, deux options se sont présentées : tout annuler, ou revoir complètement la programmation. C’est évidemment la seconde que nous avons choisie.
Vous avez dû reporter certains projets, en annuler d’autres… Comment parvient-on à redessiner une saison à si court terme ?
C’est ce que je suis obligé de faire depuis quatre ans ! À cause de la crise économique, d’abord, et des coupes budgétaires qui ont été imposées. Puis de la problématique de la rénovation, qui s’est posée dès 2011. D’abord prévue pour l’année Wagner, en 2013 donc, la nouvelle production de Lohengrin, qui sera finalement présentée en avril-mai 2018, a été déplacée pas moins de quatre fois !
Comment les artistes réagissent-ils ?
Tout le monde a coopéré avec une remarquable flexibilité. Sur un total de trois cents contrats, seuls trois n’ont pas pu être remplacés. Tous les artistes ont accepté, soit le report de leur projet, soit de prendre part à une production future, soit un autre rôle. Devoir approcher d’autres équipes – plutôt que Romeo Castellucci ou Krzysztof Warlikowski, qui n’étaient évidemment plus libres – s’est révélé un avantage, dans la mesure où celles-ci ont considéré la Monnaie comme une priorité, et nous ont accordé toute leur attention. Cette situation nous a d’ailleurs permis de découvrir de nouveaux noms : Olivier Fredj, dont Macbeth était la deuxième mise en scène lyrique, ou encore Stathis Livathinos, qui n’avait jamais travaillé à l’opéra avant notre Aida. Cet engagement total, non seulement des équipes, mais aussi des artistes invités, m’a donné beaucoup de plaisir. D’autant qu’il s’agissait souvent de prises de risques à tous les niveaux.
Dans quel état d’esprit voyez-vous approcher la fin du tunnel ?
J’ai été très content sous le chapiteau du Palais de la Monnaie, malgré les inconvénients, notamment le problème de la climatisation, et aussi du passage des avions, surtout le dimanche. Nous avons perdu des spectateurs – et enregistré une baisse de 20 % des abonnements en trois ans. Mais ils sont déjà en augmentation de 10 % pour la saison prochaine. Quant aux autres, reviendront-ils ? Ou seulement de manière ponctuelle ?
Peut-être attendent-ils de voir si le théâtre rouvre vraiment ?
Et comment ne pas leur donner raison ? Tous les projets de la Régie des Bâtiments sont un peu branlants. Le Palais de Justice de Bruxelles est en travaux depuis plus de vingt ans… Ils ne peuvent plus se permettre de perdre la face, ne serait-ce que vis-à-vis des différentes tutelles. En ce qui me concerne, je suis dans un flux. Nous avons bien travaillé, renforcé les équipes, et créé une autre forme de vivre-ensemble. Mais il est vraiment temps que nous retournions dans le centre. D’autant que le fait de ne pas avoir de théâtre à disposition a généré un déficit, jusqu’à présent couvert par la Monnaie, alors même qu’il relève de la responsabilité de l’État fédéral. C’est la prochaine bataille que je vais devoir mener.