Grâce à un don de la Stavros Niarchos Foundation, la capitale grecque s’est dotée d’un nouveau bâtiment, dont la beauté architecturale égale les performances visuelles et acoustiques. Un geste fort et salutaire dans un pays dévasté par la crise, mais aussi un modèle de partenariat public/privé qui pourrait inspirer d’autres pays européens.
Depuis la crise de 2008, avec ses conséquences dramatiques sur l’économie mondiale, le reste de l’Europe s’attend systématiquement à de mauvaises nouvelles, dès qu’il s’agit de la Grèce. Dans un pays où le PIB par habitant a reculé de 25 % en huit ans, où le taux de chômage s’établit à un peu plus de 21 %, l’annonce de la construction d’un nouvel Opéra a pris tout le monde par surprise, à commencer par l’auteur de ces lignes ! Inauguré début 2017, le nouveau bâtiment, situé dans la banlieue sud-ouest d’Athènes, plus précisément sur la municipalité de Kallithéa, à quelques mètres de la mer, a accueilli sa première nouvelle production d’opéra, le 15 octobre dernier : une Elektra mise en scène par Yannis Kokkos, avec Agnes Baltsa en Klytämnestra (voir nos pages « Comptes rendus » dans ce numéro).
À l’origine de ce miracle, il y a une institution privée, la Stavros Niarchos Foundation, dont les fonds ont intégralement financé la construction de l’édifice, sur un terrain mis à disposition par l’État. Voulue par le légendaire armateur et milliardaire grec, rival historique et beau-frère d’Aristote Onassis, cette organisation philanthropique a vu le jour au lendemain de sa disparition, en 1996. Dotée d’une partie de l’immense fortune personnelle du défunt, co-présidée par ses fils, et basée à Athènes, Monte-Carlo et New York, elle déploie ses activités dans les domaines des arts, de la culture, de l’éducation et de la santé. Depuis la crise de 2008-2009, elle s’attache plus particulièrement à améliorer le bien-être du peuple grec, en se substituant à des institutions publiques en pleine tourmente, bien incapables de financer un projet de l’envergure du tout nouveau Stavros Niarchos Foundation Cultural Center (SNFCC).
Celui-ci est un complexe comprenant, en plus du théâtre d’opéra (Greek National Opera, GNO), la Bibliothèque Nationale de Grèce (National Library of Greece, NLG), qui lui est reliée par des espaces publics, et un vaste parc en accès libre (Stavros Niarchos Park, SNP). Et c’est là que réside le génie du célèbre architecte italien Renzo Piano, qui a imaginé une colline artificielle en pente douce, face à un plan d’eau : le parc commence dessus, le GNO et la NLG se nichent à l’intérieur. Le visiteur arrivant en bus depuis le centre d’Athènes ne le comprend pas d’emblée, car il voit d’abord l’élégante façade de l’ensemble (le GNO occupe la partie la plus haute de la colline), tout en verre et poutrelles métalliques, et la piazza séparant les deux bâtiments, occupée par les tables et les chaises d’un café. C’est seulement après être monté au sommet qu’il prend l’exacte mesure du projet : une végétation luxuriante s’étendant sur quelque 21 hectares, avec des chemins tracés pour les promeneurs, et un panorama à 360 degrés sur toute la région d’Athènes (le point culminant s’élève à 32 mètres).