Telle une rencontre, désirée autant que redoutée, parfois, la prise d’un rôle emblématique du répertoire constitue une étape marquante, voire un tournant décisif dans une carrière lyrique. Stanislas de Barbeyrac fait la lumière sur son premier Florestan, pierre de touche pour tout ténor héroïque en devenir, dans la nouvelle production de Fidelio de Beethoven, dirigée par Laurence Equilbey, et mise en scène par David Bobée, à la Seine Musicale.
« Mes débuts en Florestan ont été prévus il y a plus de deux ans, quand j’ai abordé Max de Der Freischütz avec Laurence Equilbey. À vingt-quatre ans, j’avais chanté Jacquino à l’Opéra de Tours, ce qui m’avait permis d’écouter Jean-Francis Monvoisin dans le rôle, et d’en connaître les particularités. Il arrive souvent, dans ce genre de situation, qu’on se dise : plus tard, ce sera pour moi ! Aujourd’hui, le moment est le bon, parce que le contexte l’est aussi : le lieu, les instruments d’époque d’Insula Orchestra, sans oublier le diapason à 430 Hz, qui permet d’être exactement dans le timbre et la recherche harmonique, font que je me sens à l’aise. Je n’aurais pas accepté d’incarner Florestan au Metropolitan Opera de New York, avec un orchestre moderne !
Il y a, bien sûr, le « Gott ! » inaugural, que tout le monde attend, et qui peut se concevoir de différentes manières : comme un cri de douleur ou de désespoir, voire comme une lueur d’espérance. J’attends que David Bobée m’indique comment je serai placé dans sa scénographie, pour imaginer l’intention que j’y mettrai. L’air qui suit est plus facile pour un ténor lyrique léger que pour un Jon Vickers, ou un Jonas Kaufmann. Florestan est donc inscrit sur mon chemin. J’ai beaucoup chanté Mozart, j’ai été raisonnable pendant quinze ans, mais ma voix s’épanouit maintenant dans d’autres répertoires. Je garde Idomeneo, au contraire de Don Ottavio, que je ne chanterai sans doute plus après les représentations de Don Giovanni, en juin, au Staatsoper de Vienne. J’ai désormais envie de proposer d’autres couleurs, de trouver une liberté de jeu, de faire des choix artistiques précis. Wagner se profile à l’horizon, avec mon premier Erik (Der Fliegende Holländer), la saison prochaine, au Staatsoper de Berlin. »
Propos recueillis par CHRISTIAN WASSELIN
À voir :
Fidelio de Ludwig van Beethoven, avec Accentus, Insula Orchestra, Anas Séguin (Don Fernando), Sebastian Holecek (Don Pizarro), Stanislas de Barbeyrac (Florestan), Sinéad Campbell-Wallace (Leonore), Christian Immler (Rocco), Hélène Carpentier (Marzelline), Patrick Grahl (Jaquino), sous la direction de Laurence Equilbey, et dans une mise en scène de David Bobée, à la Seine Musicale, du 14 au 18 mai 2022.