Interview Michael Chance : The Grange Festival, de ...
Interview

Michael Chance : The Grange Festival, de l’opéra et plus encore

29/05/2024
© Leela Bennett

Une propriété au cœur de la campagne anglaise, accueillant chaque année, dès la fin du printemps, un festival lyrique ? Non, ce n’est pas Glyndebourne, mais The Grange, dans le Hampshire, où se tient, depuis 2017, le festival tout simplement baptisé du nom de cette superbe demeure, qu’a créé, et que dirige, le contre-ténor britannique Michael Chance. Présentation.

Vous avez créé « The Grange Festival », en 2017, dans une magnifique propriété, située près de Winchester, dans le Hampshire, au sud de l’Angleterre, où la compagnie Grange Park Opera était active, jusqu’en 2016. Quel est le lien entre les deux ?

En 1998, la compagnie Grange Park Opera est arrivée dans la propriété ; en 2002, un théâtre de 620 places, moderne et parfaitement équipé, a été construit dans ce qui était, alors, l’orangerie. En 2016, Grange Park Opera, parvenu au terme de son bail, a décidé de ne pas le renouveler, pour créer son propre théâtre, à West Horley, un village du Surrey. Les membres de la famille Baring, qui détiennent The Grange, ont, alors, voulu organiser autre chose. Par des connaissances communes, ils sont arrivés à moi, et m’ont proposé de créer un festival. J’ai tout de suite aimé ce théâtre très intime, car l’acoustique est magnifique, et le public peut se sentir proche de la scène. Je me suis dit : « C’est dans des endroits comme celui-ci, qu’il faut faire de l’opéra ! »


L’entrée du nouveau théâtre, aménagé à l’intérieur de l’ancienne orangerie.© The Grange Festival

Le Festival mêle, aujourd’hui, opéra, jazz et danse. Était-ce votre idée de départ ?

Non, mais quand j’ai réfléchi à un nom pour l’événement, j’ai décidé de faire simple et de l’appeler « The Grange Festival ». Je me suis, alors, rendu compte que cela laissait une très grande marge de manœuvre, et que nous pourrions donc y présenter, non seulement de l’opéra, mais aussi du ballet, des concerts, des pièces de théâtre… Néanmoins, l’art lyrique reste le cœur de l’événement, et je tiens à monter, au moins, trois ou quatre nouvelles productions d’opéra par an.

Qu’en est-il des trois productions lyriques de cette année ?

Après le grand succès d’Agrippina de Haendel, en 2018, le metteur en scène Walter Sutcliffe revient pour L’incoronazione di Poppea de Monteverdi, en coproduction avec Halle, en Allemagne. Comme à son habitude, il s’attellera à l’œuvre avec beaucoup d’esprit, apportant une dimension disruptive à cette histoire profondément immorale. Ensuite, en hommage à Puccini, nous présentons Tosca – un opéra pour lequel nous avons dû ajouter une date, car nous avons été pris d’assaut ! –, conçu par Christopher Luscombe, sur mesure pour notre théâtre. De nombreuses grandes œuvres ont été créées dans de petites salles, je m’autorise donc à le faire… Et pour finir, nous montons The Rake’s Progress de Stravinsky, avec Antony McDonald, qui en signe la mise en scène et la scénographie.

Le Ballet National de Brno, qui fête ses 100 ans, marquera le retour de la danse au Festival, pour la soirée d’ouverture, le 6 juin, avec Oktetto. Ce spectacle mêle grands classiques du répertoire et nouvelles chorégraphies, notamment sur The Hidden Face, une pièce du regretté John Tavener (1944-2013)…

C’est un peu égoïste, car John l’a composée pour moi, en 1996 ! Il s’agit d’un duo entre un contre-ténor et un hautbois, accompagnés de seize instruments à cordes. Mario Radacovsky, le directeur artistique du Ballet National de Brno, a trouvé cette musique ­magnifique et a accepté d’imaginer une chorégraphie, pour l’intégrer à son spectacle, sur l’enregistrement que j’en ai fait, voici près de vingt-cinq ans, chez Harmonia Mundi. Lors de cette soirée, la compagnie tchèque montrera un peu tout ce qu’elle sait faire, en dansant des extraits du Lac des cygnes, de La Bayadère et de Don Quichotte par Marius Petipa, le ballet Gnawa de Nacho Duato et, donc, des chorégraphies de Mario Radacovsky.


© The Grange Festival

Depuis 2017, vous êtes non seulement directeur artistique, mais aussi directeur général, rôle qui sera endossé, à partir de cet été, par Tyler Stoops. Qu’est-ce que cela va changer pour le Festival ?

J’occupe ces deux fonctions, car, lorsque j’ai créé le Festival, je partais de rien ! Mais, en tant que chanteur, je ne travaille normalement jamais dans un bureau… L’an dernier, nous étions nommés aux « International Opera Awards », et j’ai pensé que c’était le bon moment pour laisser le poste de directeur général à quelqu’un comme Tyler, qui arrive de Glyndebourne et pourra apporter son expertise.

Le Festival a mis en place des programmes d’éducation pour les plus jeunes. En quoi consistent-ils ?

Nous proposons toute une gamme d’activités pour les enfants de la région. Nous leur faisons, par exemple, créer leur propre petit opéra de trente à quarante minutes, qu’ils interprètent ensuite. En août, environ quatre-vingts adolescents, âgés de 11 à 16 ans, viendront donc, tous les jours, de 9 h à 18 h, pendant une semaine. Nous leur proposons un sujet – cette année, l’intelligence artificielle –, et ils s’occupent du texte, de la musique, de la mise en scène, des décors, des costumes, du chant… Nous l’avons déjà fait plusieurs fois et le résultat est toujours incroyable !

Propos recueillis par ROXANE BORDE

The Grange Festival, du 6 juin au 6 juillet 2024.

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