2 DVD Dynamic 38068 & 1 Blu-ray 58068

Zoraida di Granata avait été notre production préférée du Festival Donizetti de Bergame 2024 (voir O. M. n° 209 p. 41 de février 2025). C’était une aubaine de découvrir dans son intégralité la seconde mouture de 1824, fortement remaniée et qu’on ne connaissait jusqu’alors que par des extraits, de cet opéra créé deux ans plus tôt. Donizetti s’y émancipe un peu plus de Simon Mayr, son maître, se plaçant davantage dans le sillage rossinien (on pense plus d’une fois à Tancredi) mais imposant aussi sa marque personnelle, notamment dans de très beaux ensembles, très développés et d’un grand intérêt dramatique. La captation de Matteo Ricchetti est, comme d’habitude, très fidèle au spectacle, que nous trouvons toujours intelligent, dramatiquement très lisible, avec une qualité de jeu d’acteur qui se confirme à l’écran. Au lieu de la Grenade musulmane de 1492 à la veille de sa chute, nous sommes devant un décor contemporain de ville assiégée, évoquant, nous dit-on, la bibliothèque détruite de Sarajevo, d’une portée universelle.
À la tête de Gli Originali, orchestre d’instruments d’époque, et d’un chœur énergique, Alberto Zanardo dirige avec finesse une équipe de solistes jeune et crédible. Ainsi, le ténor coréen Konu Kim traduit bien le caractère tyrannique de l’usurpateur Almuzir, partie de « baryténor », même si le timbre semble, curieusement, un peu moins éclatant que sur le vif. Égale à notre souvenir, par le mordant, le grave, les coloratures et la diction, est au contraire la très jeune basse Valerio Morelli (22 ans) en Alì, son âme damnée – une révélation ! Zuzana Marková confère beaucoup de sincérité et de dignité au rôle-titre, dont elle assume avec une parfaite probité la tessiture, parfois malcommode avec ses sauts soudains vers des aigus tendus. En fait, le rôle principal nous semble bien Abenamet – le valeureux général aimé de Zoraida, jalousé par Almuzir, et qu’Alì fait passer pour traître –, conçu pour la Pisaroni, d’autant que la mezzo Cecilia Molinari y est superbe. On l’avait beaucoup aimée dans la salle, malgré une tessiture un peu grave qui la desservait par moments. Ici, ce problème disparaît, et l’on retrouve pleinement, dans ce personnage à la fois héroïque et amoureux, l’excellente comédienne, sachant capter l’attention au moindre récitatif, mais aussi le beau velours du timbre et la vocalisation toujours pleine de sens, particulièrement jubilatoire dans son rondo final. Un joli Almanzor et une Ines vocalement moyenne complètent la distribution. Une publication donizettienne importante.
THIERRY GUYENNE