Opéras Xerse théâtral à Martina Franca
Opéras

Xerse théâtral à Martina Franca

25/08/2022
© Clarissa Lapolla

Teatro Verdi, 25 juillet

Créé à Venise, en 1655 (certaines sources indiquent 1654), Xerse de Cavalli connut ensuite plusieurs révisions, dont la plus célèbre reste celle opérée par le compositeur, en 1660, à Paris, à l’occasion du mariage de Louis XIV, roi de France, avec l’infante Marie-Thérèse. Tombé ensuite dans l’oubli, ce « dramma per musica », sur un livret de Nicolo Minato, revint sous les feux de l’actualité dans les années 1980, porté par le mouvement de redécouverte de l’opéra dit « baroque ».

Depuis, il n’a pas cessé d’intéresser chefs et musicologues, René Jacobs en tête, qui l’a enregistré, en 1985, pour Harmonia Mundi. Le Festival della Valle d’Itria, lui, a choisi la nouvelle édition critique de Sara Elisa Stangalino et Hendrik Schulze, publiée chez Bärenreiter, en offrant la première représentation mondiale, sur le plateau du Teatro Verdi de Martina Franca.

Leo Muscato livre une mise en scène joyeuse et décalée, mêlant des éléments classiques et des touches plus contemporaines. Dans un dispositif constitué de portes d’inspiration persane, les personnages apparaissent avec leurs costumes bariolés, leurs perruques démesurées et autres postiches, qui nous situent d’emblée dans un monde fantaisiste. Avec ses médailles clinquantes et ses lunettes de soleil – faut-il y voir une référence à Sacha Baron Cohen dans The Dictator (2012) de Larry Charles ? –, Xerse, monarque loufoque, règne sur un décor de carton-pâte, qui révèle malgré tout quelques surprises.

Bien que pure comédie, le spectacle ménage quelques moments plus lyriques et poétiques, grâce à des jeux de lumière – une boule à facettes qui irradie sur le public, des lampes descendant des cintres…

Le parti pris le plus étonnant de Leo Muscato reste de demander aux chanteurs de frapper dans leurs mains, chaque fois qu’ils commencent ou finissent un aparté, figeant puis remettant en mouvement les autres personnages, présents sur la scène. Les premières occurrences réussissent leur effet : on y voit une manière intelligente de jouer avec la convention théâtrale. Mais quand il devient systématique, le geste perd son impact, voire agace.

L’ensemble n’en constitue pas moins, heureusement, un spectacle réjouissant et qui retient sans faiblir l’attention du public – on soulignera les costumes particulièrement réussis, conçus par Giovanna Fiorentini.

Dans le rôle-titre, Carlo Vistoli confirme les qualités révélées par ses récentes apparitions au disque (Diamant d’Opéra Magazine pour le plus récent, La Lucrezia, paru chez La Musica). Son timbre et sa sensibilité font merveille, notamment dans l’air « Lasciatemi morir », qui donne soudain à ce Xerse impeccablement burlesque une profondeur inattendue.

À ses côtés, si l’on apprécie l’Arsamene de Gaia Petrone, ce sont les interprètes de Romilda et d’Adelanta qui retiennent le plus l’attention : Carolina Lippo se tire remarquablement des pages vocalisantes de la partition et forme, avec Dioklea Hoxha, un duo de sœurs assez irrésistible. Ekaterina Protsenko est, quant à elle, une Amastre pleine de caractère, très bien accompagnée par l’Aristone de Nicolo Donini.

Aussi comique soit-il, Carlo Allemano déçoit un peu dans le rôle d’Ariodate, l’Elviro d’Aco Biscevic restant trop dans l’outrance scénique (justifiée et réussie) pour que l’on puisse juger véritablement de sa performance vocale. Nicolo Balducci, enfin, est un Periarco convaincant, même si la partition ne lui donne pas autant d’occasions de briller qu’à ses collègues.

De l’orchestre baroque Modo Antiquo, dirigé par son chef fondateur, Federico Maria Sardelli, c’est évidemment le continuo qui est le plus sollicité, portant l’opéra du début à sa fin. Le jeu du clavecin, riche, entraînant, soutient l’action sans temps mort ; l’ensemble est joyeux, et concourt à rendre à Xerse sa dimension profondément théâtrale.

CLAIRE-MARIE CAUSSIN 


© Clarissa Lapolla

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