Opéras Werther de qualité à Monte-Carlo
Opéras

Werther de qualité à Monte-Carlo

01/03/2022

Salle Garnier, 20 février

Thierry Guyenne avait rendu compte de la création, à Valence, en mai 2017 (voir O. M. n° 130 p. 68 de juillet-août), de cette mise en scène de Jean-Louis Grinda, coproduction entre le Palau de les Arts « Reina Sofia » et l’Opéra de Monte-Carlo. Elle fait aujourd’hui son entrée dans la Salle Garnier, lieu cher à Massenet, qui n’y créa pas moins de sept œuvres. « Ici rien n’a changé… », constate le héros.

Le vaste miroir dans lequel Werther, ensanglanté dès le Prélude, revoit et revit sa tragique passion, vole en éclats. Le cadre de ce miroir brisé sera celui du spectacle. Des éléments de décors mobiles ouvrent une perspective sur la nature tant invoquée. Ils referment partiellement l’action sur l’univers petit-bourgeois du Bailli, encore entrouvert aux grands arbres qui la symbolisent. Dans la demeure étouffante d’Albert, ils se referment irrémédiablement. Les saisons sont suggérées par les lumières de Laurent Castaingt.

Les vidéos de Julien Soulier, comme les films de Gabriel Grinda (dont on regrette qu’une panne informatique ait privé les spectateurs, au moment déchirant de la mort du héros), contribuent à la cohérence de cette vision, peut-être plus fantastique que romantique. Décors et costumes, rappelons-le, situent l’action dans les dernières années du XIXe siècle. Werther (tel Amfortas ?) s’identifie à son essentielle blessure. Un ange ailé semblait le guider vers sa passion fatale, il préside à son trépas, tandis que retentit le chant de Noël.

Le Chœur d’Enfants de l’Académie de Musique Rainier III, préparé par Bruno Habert, constitue un vrai personnage collectif, d’abord turbulent et ânonnant, puis docile et mieux chantant. Il atteint à la perfection joyeuse, lorsque s’accomplit le drame.

Est-ce affaire d’adaptation aux dimensions de la salle? Le magnifique Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo sonne parfois brutal. La direction fougueuse du chef hongrois Henrik Nanasi mène à de vives interventions des cuivres et prive les cordes de lyrisme. L’admirable « Clair de lune » échappe heureusement à l’emportement.

Du « Sturm und Drang » goethéen, Stéphanie d’Oustrac se fait le vecteur, en prenant tous les risques de cette esthétique. Sa gestuelle, son sens de l’évolution scénique confèrent un relief saisissant à sa Charlotte. À cette belle voix homogène, on souhaiterait, cependant, moins de véhémence et de dureté.

Déjà présent à Valence, Jean-François Borras, qui fut un des Petits Chanteurs de Monaco, reste un Werther lyrique, au phrasé pur et nuancé. Après une recherche peut-être exagérée des pianissimi pour « Ô nature, pleine de grâce », il trouve l’assise qui donne leur puissance aux grands épanchements, comme au célèbre « Pourquoi me réveiller », qu’il couronne d’un la dièse éclatant.

Jennifer Courcier, voix ductile et lumineuse, silhouette juvénile, incarne une Sophie proche des enfants dont elle a la garde, puis déchirée par l’indifférence dont témoigne Werther. Jean-François Lapointe, sonore et à la diction exemplaire, manque de tendresse dans son merveilleux air initial (« Quelle prière de reconnaissance et d’amour »). Il a la dignité, puis le brin de jalousie attendus.

Comment ne pas apprécier la bonhomie de Marc Barrard, Bailli très humain, à la projection remarquable ? Enfin, l’excellent Philippe Ermelier et Reinaldo Macias complètent harmonieusement cette distribution de qualité.

PATRICE HENRIOT


© OMC/ALAIN HANEL

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