Opéras Voyage réussi sur la Lune à Paris
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Voyage réussi sur la Lune à Paris

31/01/2023
© Stefan Brion

Salle Favart, 24 janvier

La production du Voyage dans la Lune (Paris, 1875) de Laurent Pelly, prévue pour la saison 2020 de l’Opéra-Comique, et annulée pour les causes que l’on sait, n’a rien perdu pour attendre. Remontée par Héloïse Sérazin, elle concrétise, une nouvelle fois, les affinités profondes du metteur en scène avec l’univers d’Offenbach . Et elle ajoute une réussite de plus à une série de succès commencée, il y a vingt-cinq ans, avec Orphée aux Enfers, et qui, depuis, ne s’est jamais démentie.

Contrairement à Olivier Fredj qui, dans sa production pour le CFPL (aujourd’hui, Génération Opéra) et le Palazzetto Bru Zane, était allé chercher l’inspiration dans l’univers esthétique des romans de Jules Verne et du cinéma de Georges Méliès (voir O. M. n° 169 p. 35 de février 2021), Laurent Pelly a choisi de donner à son Voyage dans la Lune des résonances tout à fait contemporaines.

Ainsi, le cirque de montagnes, sur lequel s’ouvre le premier tableau sur la Terre, est constitué de déchets plastiques accumulés ; et, si ses astronautes d’occasion embarquent encore dans un obus, comme au XIXe siècle, c’est bien notre vieille planète polluée et la sottise d’une science pusillanime, caricaturée à travers le « Chœur des astronomes », que le Prince Caprice veut fuir. L’allusion s’arrête là, mais l’apparition au final du « Clair de terre » y prend, du coup, une tonalité émue et singulièrement touchante.

Par contraste avec la décharge du I, Laurent Pelly a imaginé, pour les trois actes suivants, un monde lunaire d’une blancheur immaculée, tout en rondeurs, vrai miracle de poésie et d’humour. Il concilie brillamment l’épure d’une scénographie suggestive, avec l’inventivité de costumes farfelus, mais jamais caricaturaux. L’ensemble se concrétise périodiquement en de magnifiques tableaux, avec des « ballets blancs » réglés au millimètre, qui sont un régal pour les yeux.

Les puristes feront, sans doute, la fine bouche sur le choix d’une édition réduite à tout juste deux heures dix, et dont ont disparu, notamment, le « Ballet des ombres errantes » et la plus grosse partie de celui « des flocons de neige », pour ne citer que les coupures les plus importantes. Mais cette réduction se fait au profit d’un spectacle sans temps mort, d’une totale efficacité, porté par une approche où la direction d’acteurs, flirtant en permanence avec la chorégraphie, impose une vivacité et un rythme, renforcés par les dialogues finement adaptés d’Agathe Mélinand.

Sur le plan musical, le compte n’y est pas tout à fait. On regrette le choix de distribuer au ténor Arthur Roussel (22 ans), à qui manquent encore, et la maturité vocale, et la présence scénique, le rôle essentiel du Prince Caprice. On comprend, bien sûr, qu’il s’agit d’un spectacle d’élèves et que la Maîtrise Populaire de l’Opéra-Comique, regroupant des jeunes (solistes et chœur) de 8 à 25 ans, n’étant pratiquement constituée que de femmes et d’enfants, il ait paru nécessaire d’apporter un rien de contraste par le biais d’une voix d’homme. Mais le résultat n’est guère convaincant et, à coup sûr, une mezzo-soprano s’en serait beaucoup mieux tirée.

Le prouve abondamment la malicieuse Princesse Fantasia de Ludmilla Bouakkaz qui, bien qu’à peine plus âgée que son partenaire, apporte à son rôle la fraîcheur d’une voix toute neuve, une vraie technique colorature et un sens du second degré qui fait mouche. On citera encore, parmi les bons éléments, la Popotte de Rachel Masclet et, dans des personnages essentiellement théâtraux, l’excellent Microscope de Matéo Vincent-Denoble et le Roi Cosmos rebondissant dans son costume-ballon d’Enzo Bishop.

Seul professionnel confirmé du plateau, Franck Leguérinel apporte toute sa verve au Roi Vlan, ici réduit à son air d’entrée, à sa participation aux ensembles et aux scènes parlées. Si le chœur n’a pas d’emblée la netteté et la fermeté attendues, il gagne en assurance au fil de la soirée et finit par être tout à fait convaincant.

Dans la fosse, Alexandra Cravero, à la tête de l’orchestre Les Frivolités Parisiennes, donne une lecture colorée et pleine de saveur, robuste et poétique quand il le faut, parfaitement au diapason de la mise en scène et toujours très attentive aux chanteurs.

À l’arrivée, une incontestable réussite.

ALFRED CARON


© Stefan Brion

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