Ambroisine Bré : Psyché
1 CD Lyrides
Enregistré en studio, en juin 2020, le premier album solo d’Ambroisine Bré – qui en est, elle-même, la productrice – est un parcours thématique, aussi original que personnel, autour du mythe de Psyché, rehaussé par un choix de mélodies et de quelques airs d’opéras dans des arrangements pleins de tact.
Trois pièces traitent explicitement le sujet : la très sensuelle mélodie Psyché d’Émile Paladilhe, celle de Manuel de Falla portant le même titre, et l’air d’Éros, extrait de Psyché d’Ambroise Thomas (« Sommeil, ami des dieux »). Ont été ajoutées d’autres pages sans lien direct, mais comme insérées dans une sorte d’« opéra imaginaire » en quatre étapes : rencontre ; attente fébrile et union amoureuse ; départ de l’amant, puis désespoir de l’amante ; retrouvailles et accession de l’héroïne à l’immortalité.
Un choix audacieux, qui nous fait découvrir des œuvres rares, tout en nous permettant d’entendre des pages plus connues sous un éclairage nouveau. Ainsi du sublime duo entre Didon et Énée, dans Les Troyens, qui traduit ici la première extase charnelle de Psyché et Cupidon (Éros), ou de la Chanson perpétuelle d’Ernest Chausson, exprimant le désespoir de l’héroïne après avoir provoqué la fuite de son amant.
Pour l’occasion, Ambroisine Bré s’est entourée d’excellents musiciens – en particulier, le remarquable pianiste Ismaël Margain – qui, dans toutes sortes de combinaisons chambristes possibles, dessinent une véritable dramaturgie, introduite par le poème de Baudelaire, La Beauté, dit par Gérard Depardieu.
La jeune mezzo-soprano française séduit par son timbre riche, son médium et son grave voluptueux, son aigu lumineux, mis au service d’une interprétation sensible et passionnée. La diction est soignée, même si, parfois, l’intelligibilité est un peu sacrifiée à la rondeur et à l’homogénéité du son.
Nous aimons tout particulièrement le duo des Troyens, d’une sensualité torride, grâce à la belle entente avec l’Énée tendrement viril du ténor Julien Dran, ainsi que la Chanson perpétuelle – les deux pièces requérant l’instrumentation la plus fournie.
On peut, en revanche, émettre des réserves sur la pertinence de certains choix : Le Soir de Gounod paraît bien emphatique, pour célébrer le retour de l’Amour ; les Adieux de l’hôtesse arabe de Bizet sont trop charmants, et d’un exotisme trop connoté, pour être mis dans la bouche d’une Psyché éplorée ; quant à l’air de Desdemona, tiré de l’Otello de Rossini (« Assisa a’ piè d’un salice »), et la mélodie La Capinera de Julius Benedict, ils semblent un peu incongrus – en s’en tenant à des pièces en français, l’album eût été plus cohérent.
L’ultime plage fantôme est tout en douceur : le délicieux Nos souvenirs qui chantent de Paul Bonneau.
THIERRY GUYENNE