Opéras Triomphe pour Carmen à Marseille
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Triomphe pour Carmen à Marseille

03/03/2023
© Christian Dresse

Opéra, 26 février

En programmant Carmen, dans la mise en scène de Jean-Louis Grinda, créée au printemps 2018 — coproduite avec Toulouse et Monte-Carlo (voir O. M. n° 139 p. 69 de mai 2018 & n° 168 p. 38 de janvier 2021) –, l’Opéra de Marseille pouvait tabler, sans risque, sur un véritable succès. Les cinq représentations l’ont très vite confirmé, en affichant complet.

La présence d’Héloïse Mas, en Carmen, n’aura évidemment pas manqué d’attirer un public amateur de voix nouvelles. Car, depuis sa prise de rôle très remarquée, à Genève, en 2018, la mezzo-soprano française a encore peaufiné son portrait de la cigarière. Tout, dans l’attitude d’Héloïse Mas, montre qu’elle a fait sienne la personnalité fougueuse de Carmen. Par ses gestes précis, ses regards langoureux ou ses postures affirmées, elle dompte sans fléchir les humeurs versatiles de l’héroïne de Bizet.

Que dire de sa voix, si ce n’est qu’elle épouse idéalement chaque air, chaque récit ? Toujours judicieusement contrôlé, le chant s’y déploie avec une finesse enthousiasmante. L’élocution, toujours percutante, est chargée de sens. Si certains trouveront sa « Habanera » un rien corsetée, sa « Séguedille » et sa « Chanson bohème » sont irrésistibles de charme et de tempérament. De même, son ultime confrontation avec Don José la montre très convaincante. Arc-boutée et véhémente, Héloïse Mas subjugue.

Le reste de la distribution apparaît plus inégal. Si la Micaëla d’Alexandra Marcellier déconcerte, dans un premier temps, par son timbre charnu et ses accents tragiques, son « Je dis que rien ne m’épouvante » rappelle, toutefois, les superbes effusions dont la soprano française est capable. Toujours du côté féminin, Charlotte Despaux et Marie Kalinine n’appellent aucune réserve.

Les messieurs sont moins convaincants, en dépit de qualités patentes. À commencer par le Don José d’Amadi Lagha. Doté d’une voix claire, bien projetée et percutante dans l’aigu, le ténor franco-tunisien manque un peu d’épaisseur dans le registre médian. Et son brigadier se révèle, parfois, mal apparié avec la Carmen capiteuse d’Héloïse Mas.

Le baryton canadien Jean-François Lapointe rencontre à peu près le même problème : s’il est plein d’aplomb dans les aigus, les graves lui font souvent défaut, l’empêchant de s’imposer totalement dans le grand air d’Escamillo. Les personnages secondaires font l’affaire, sans marquer par leurs individualités.

À la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Marseille, la jeune cheffe italienne Clelia Cafiero, engagée pour diriger cette dernière représentation (les quatre premières l’étaient par Victorien Vanoosten), déçoit par une approche bien trop linéaire. Sa battue pondérée manque de nerf et de relief. Résultat, la musique perd de son impact et de son chatoiement.

Le Chœur de l’Opéra de Marseille et la Maîtrise des Bouches-du-Rhône sont, en revanche, épatants d’engagement, malgré quelques légers décalages. Quant à la belle, sobre et poétique mise en scène de Jean-Louis Grinda, elle séduit toujours autant.

CYRIL MAZIN


© Christian Dresse

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