Opéra, 4 octobre
Monté, une première fois, à l’Opéra de Marseille, en juin 2016 (voir O. M. n° 120 p. 63 de septembre), puis repris par l’Opéra Grand Avignon, son coproducteur, en avril 2017 (voir O. M. n° 128 p. 31 de mai), ce Macbeth, conçu par Frédéric Bélier-Garcia, fonctionne toujours aussi bien. Efficace et lisible, le travail du metteur en scène français atteste qu’avec de l’imagination, un sens de la progression du récit et une esthétique raffinée, on arrive, sans problème, à soutenir l’attention d’un public durant quatre actes.
Il faut avouer que le chef-d’œuvre de Verdi s’y prête plutôt bien, pour peu que l’on ose miser sur sa noirceur intrinsèque, son climat presque psychotique. Et si, par chance, le plateau vocal se montre à la hauteur techniquement et suffisamment habité, alors le pari est gagné, la soirée mémorable. À tous égards, la distribution réunie ici, pour ces quatre représentations d’octobre, surclasse les précédentes, par son équilibre, sa puissance expressive et ses fortes individualités.
À commencer par le couple Macbeth, incarné par Anastasia Bartoli (sans parenté, semble-t-il, avec la très célèbre Cecilia) et Dalibor Jenis. Si l’on est d’emblée convaincu par le timbre plein et sonore du baryton slovaque, on reste épaté par les dispositions scéniques et vocales de la jeune soprano italienne. Pour ce qui semble être ses presque débuts dans le rôle (elle l’a chanté en concert, au Tokyo Spring Festival 2021, sous la direction de Riccardo Muti), l’artiste interpelle par son charisme, son audace et sa technique.
Subtilement tourmentée, mais jamais outrancière, son incarnation se joue, avec une aisance rare, de l’avidité dévorante de l’héroïne. De sa voix impérieuse et puissante, elle jette un sort à chacun de ses airs, captive dans son duo avec Macbeth, exulte lors des ensembles. Si la voix est fluide, capiteuse, percutante et brillante, elle manque encore, à ce stade, d’un surcroît de raucité (Verdi, lui-même, le souhaitait) pour nous combler totalement dans ce rôle. L’interprétation demeure, toutefois, de haute tenue.
Dans le sillage du couple Macbeth, le Banco de Nicolas Courjal affiche, lui aussi, une belle prestance. Le timbre explore, avec un vrai trouble, le sombre et émouvant « Come dal ciel precipita ». Le Macduff plus éthéré de Jérémy Duffau ne démérite pas : le ténor français se révèle même très touchant dans son grand air (« Ah, la paterna mano ») et récolte des applaudissements nourris. Dans les rôles de complément, Nestor Galvan, Laurence Janot et Jean-Marie Delpas doivent naturellement être salués pour leur présence efficiente.
À la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Marseille, Paolo Arrivabeni fait, une fois de plus, des miracles. Soucieux de la moindre effusion instrumentale, le chef italien exalte mille et un détails, sans jamais sacrifier dynamique et densité. Sous sa battue, chaque pupitre donne le meilleur de lui-même et cela s’entend. Le Chœur, enfin, marque par sa ductilité, sa puissance expressive et sa diction affûtée.
Avec ce Macbeth de haut vol, la saison 2022-2023 de l’Opéra de Marseille débute de manière remarquable.
CYRIL MAZIN