Pene Pati : Debut Recital
1 CD Warner Classics 0190296348631
« Un ténor à suivre décidément de très près, qui a tous les atouts en main pour faire une très, très grande carrière », écrivions-nous à propos de Pene Pati, au lendemain de la finale du Concours « Operalia », en juillet 2015, où il avait remporté le Deuxième prix et le Prix du Public dans la catégorie « Hommes » (voir O. M. n° 110 p. 76 d’octobre). La grande carrière, on y est. Invité sur les scènes les plus prestigieuses, le jeune trentenaire (il est né en 1988) a été pris sous contrat par Warner Classics, qui lui a fait enregistrer son premier récital, en studio, en août 2021.
Le résultat, disons-le d’emblée, est exemplaire. Le programme, d’abord, est parfait pour un album « carte de visite », mêlant « tubes » et raretés, rôles déjà abordés, en projet ou simplement aimés. Il convient, ensuite, idéalement à la voix du ténor samoan, à ce stade de son évolution.
Dès les deux airs de Rigoletto (« Ella mi fu rapita !… Parmi veder le lagrime… Possente amor », « La donna è mobile »), explose la lumière d’un timbre rappelant, comme beaucoup de journalistes l’ont souligné, celui du jeune Luciano Pavarotti – le parallèle est encore plus évident dans L’elisir d’amore (« Una furtiva lagrima »).
Roméo et Juliette (« L’amour !… Ah ! lève-toi, soleil »), tout en confirmant la fermeté d’une émission haut placée, révèle une diction aussi parfaite en français qu’en italien, ainsi qu’un charme dans le phrasé et les inflexions absolument irrésistible. La suite évolue sur les mêmes cimes, en permettant de compléter le portrait.
Dans Guillaume Tell (« Ne m’abandonne point… Asile héréditaire… Amis, amis »), on est frappé par la justesse de la caractérisation : un Arnold juvénile, fougueux, avec un côté téméraire qui gomme ce que l’enregistrement en studio peut avoir d’un peu lisse. Et puis, quel punch dans les montées vers le contre-ut de la cabalette !
Dans Les Huguenots (« Non loin des vieilles tours… Plus blanche que la blanche hermine »), le soin apporté aux broderies complexes de la ligne de chant s’accompagne, une fois encore, d’une éblouissante jeunesse dans l’incarnation. Et quelle élégance dans La battaglia di Legnano (« O magnanima… La pia paterna mano ») !
Moïse et Pharaon (« Vous avez entendu… Moment fatal ! »), au style sûr et aux roulades en place, est de très bon augure à l’approche des représentations au Festival d’Aix-en-Provence, en juillet 2022. Pene Pati se montre tellement convaincant en Aménophis qu’on finit par oublier la médiocre réplique que lui donne Mirco Palazzi, Pharaon ronchon, plafonnant dans l’aigu et fâché avec le français.
Touchant sans mièvrerie, Roberto Devereux (« Ed ancor la tremenda porta… Come uno spirto angelico… Bagnato il sen di lagrime ») constitue l’un des sommets de l’album, avec L’Étoile du Nord de Meyerbeer (« Quel trouble affreux ») et Jocelyn de Godard (« Cachés dans cet asile… Oh ! ne t’éveille pas encore »), deux ravissantes raretés, servies avec juste ce qu’il faut de sensibilité, en évitant de basculer dans la sensiblerie.
Bien accompagné par Emmanuel Villaume et l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine, ce premier récital s’écoute décidément avec un intense plaisir.
RICHARD MARTET