Opéras Stuarda sans Marina Rebeka à Amsterdam
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Stuarda sans Marina Rebeka à Amsterdam

09/06/2023
© Dutch National Opera/Ben van Duin

De Nationale Opera, 28 mai

Après une Anna Bolena plutôt réussie, en mai 2022 (voir O. M. n° 184 p. 34 de juillet-août), le duo formé par le chef italien Enrique Mazzola et la réalisatrice néerlandaise Jetske Mijnssen se retrouve au DNO d’Amsterdam pour le deuxième épisode de la « trilogie des reines Tudor », hélas amputé de la cantatrice autour de laquelle le projet a été pensé dès le départ. Exit Marina Rebeka, formidable Anna Bolena, l’an passé, annoncée en Maria Stuarda, en début de saison, mais remplacée, depuis plusieurs mois déjà, par Kristina Mkhitaryan.

Force est de reconnaître que, sans la soprano lettone, le plateau manque d’éclat. Les deux chanteuses russes qui incarnent les rôles principaux ne manquent pas de métier, leurs timbres sont, à la fois, différenciés et complémentaires, mais aucune ne peut être qualifiée d’inoubliable : projection impressionnante, mais aigu parfois instable, chez la Maria de Kristina Mkhitaryan ; voix homogène et timbre rond, chez l’Elisabetta d’Aigul Akhmetshina, mais avec, ici aussi, un aigu tendu, parfois presque strident.

La soprano portugaise Silvia Sequeira est une Anna efficace, mais d’autant plus discrète que la mise en scène la rejette dans l’ombre. La basse russe Aleksei Kulagin campe un honnête Talbot, mais la voix manque un peu de netteté, et c’est, finalement, le ténor espagnol Ismael Jordi – déjà Percy dans Anna Bolena, l’an dernier – qui se montre le plus convaincant, Leicester alliant puissance, fluidité et intonation parfaite.

Au pupitre, Enrique Mazzola se révèle, une nouvelle fois, idéal dans ce répertoire : son énergie et sa classe naturelles, la vivacité qu’il insuffle à l’orchestre (Nederlands Kamerorkest), l’équilibre qu’il ménage entre fosse et plateau, sont des atouts précieux pour l’intensité dramatique de la soirée. Car intensité il y a, quel que soit le classicisme apparent de l’univers visuel de Jetske Mijnssen.

Là où les décors modulables de Ben Baur s’inscrivaient dans la largeur pour Anna Bolena, on en retrouve l’élégance sobre dans la profondeur, avec une pièce en trapèze qui va en rétrécissant et en montant vers le fond de la scène, fermé par une large porte à deux battants que, tour à tour, les deux reines ferment symboliquement, pour tenter de se débarrasser du regard de leur rivale.

Les lumières de Cor van den Brink sont superbes ; et les dégradés (noir, anthracite, crème) des costumes de Klaus Bruns créent une ambiance crépusculaire : robe XVIe siècle pour Elisabetta, souveraine du passé, là où les tenues XIXe de Maria et des chœurs disent plutôt la modernité de l’Écossaise. Pas de manichéisme, pourtant : les deux reines ne sont pas présentées comme diamétralement différentes, mais plutôt comme des sœurs éloignées, obsédées, l’une et l’autre, par leur histoire agitée et par la crainte mutuelle qu’elles s’inspirent.

Ce poids du passé se traduit dans certains détails – les références récurrentes à l’enfance, les figurants aux vêtements blancs ensanglantés – qui peuvent sembler surabondants, mais n’empêchent pas le spectateur de se concentrer sur l’essentiel. Modifiant la liste des personnages prévue par le livret dans la scène finale, Jetske Mijnssen choisit de souligner l’affrontement royal jusqu’au bout : chœurs et comprimari sont rejetés dans l’obscurité, de part et d’autre du décor central, et c’est sous le regard oppressant d’une Elisabetta silencieuse, campée derrière elle, que Maria chante ses adieux.

Nicolas Blanmont


© Dutch National Opera/Ben van Duin

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