Auditorium, 20 novembre
Lors de la création de cette coproduction entre l’Opéra National du Rhin et l’Opéra de Dijon, à Strasbourg, en octobre 2021 (voir O. M. n° 178 p. 74 de décembre 2021/janvier 2022), Richard Martet avait souligné, à juste titre, la pertinence de la mise en scène de Bruno Ravella. Elle séduit, effectivement, par sa lisibilité et son souci de transmettre au public l’essentiel de Stiffelio (Trieste, 1850), ouvrage méconnu et singulier de Verdi.
À Strasbourg, Jonathan Tetelman avait reçu un accueil favorable pour son interprétation solaire du rôle-titre. À Dijon, Sfefano Secco fait valoir son expérience, donnant pleinement vie à un personnage qu’il a déjà incarné. Son timbre méditerranéen, sa voix, à l’émission claire et haute, s’adaptent bien à la tessiture, mais l’aigu brille désormais avec moins de facilité qu’auparavant, et le grave se dérobe. Pour autant, le ténor italien confère à Stiffelio une juste incarnation.
Sa compatriote Erika Beretti apparaît plus en retrait en Lina. Déjà, la personnification demande à être approfondie et le matériau vocal manque de stabilité, voire de chaleur. L’aigu de la soprano est souvent trop appuyé, et la cabalette de l’acte II semble la prendre au dépourvu. Le chant, de caractère élégiaque, doté de beaux piani, trouve à mieux s’exprimer dans les parties moins dramatiques.
Le baryton uruguayen Dario Solari retrouve le rôle de Stankar, père de Lina. Apparemment plus en forme qu’à Strasbourg, il déploie beaucoup de noblesse, en particulier dans la superbe ode à sa fille bien-aimée, « Lina, pensai che un angelo », au III. Il habite son personnage avec humanité et une réelle part de sensibilité.
Raffaele, l’amant de Lina, est interprété par le ténor italien Raffaele Abete, au prénom prédestiné, mais encore trop fragile. La voix opulente, aux accents graves et puissants, de la basse turque Önay Köse donne toute sa dimension au sage et dogmatique Jorg.
Le Chœur de l’Opéra de Dijon, dirigé par Anass Ismat, se sort avec vigueur des parties difficiles que Verdi lui a confié. Après une Ouverture un peu martiale, voire trop appuyée, Debora Waldman, à la tête de l’Orchestre Dijon Bourgogne, trouve ses marques, exploitant au mieux toutes les ressources d’une partition qui recèle des moments de haute inspiration et augure du Verdi de la grande maturité.
Le public dijonnais, assez froid au départ, se laisse ensuite emporter, réservant un accueil chaleureux à l’ensemble du spectacle.
JOSÉ PONS