Opéras Sonnambula de tradition à Madrid
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Sonnambula de tradition à Madrid

16/01/2023
© Javier del Real

Teatro Real, 27 décembre

A-t-on voulu garantir le consensus le plus large pour remplir durant treize représentations, en période de fêtes de fin d’année, les 1 750 places du Teatro Real ? Toujours est-il que cette nouvelle production de La sonnambula pourrait presque passer pour la reprise d’un spectacle des années 1970 : décor naturaliste (une forêt de sapins en pleine coupe – on découvrira même une scieuse à vapeur), costumes historiques (qui évoquent des quakers américains plus que des villageois suisses) et toile de fond, où apparaissent maladroitement quelques lueurs de soleil couchant.

La seule audace, très relative, de Barbara Lluch, ancienne assistante de metteurs en scène aussi différents que Francesca Zambello, Robert Lepage, Robert Carsen, Robert Wilson, Romeo Castellucci, David McVicar et Christoph Marthaler, fleure également le siècle passé : elle consiste à flanquer Amina d’une troupe de huit danseurs, entre elfes et loups-garous, qui semblent représenter collectivement sa psyché. On les découvre longuement, quand le rideau se lève, et ils reviennent à chacune des apparitions de l’héroïne, sans que l’on soit convaincu de l’utilité de cet ajout.

Pas d’objection de principe, bien sûr, à une mise en scène s’efforçant de raconter l’histoire comme elle est dans le livret, mais on aurait aimé, dans ce cas, une direction d’acteurs plus affûtée : celle de Barbara Lluch se révèle rudimentaire, laissant libre cours à quelques attitudes histrioniques et cantonnant les chœurs dans des déplacements convenus. Même la neige qui se met soudain à tomber, pendant « Ah ! non credea mirarti », sans même que le ciel se soit obscurci, tient plus de l’effet artificiellement plaqué pour tenter de créer l’émotion que d’une véritable dramaturgie.

En fosse, la présence de Maurizio Benini est garante d’une direction musicale compétente et efficace. Mais, comme de coutume, il ne faut attendre du routinier maestro ni moments de grâce, ni réelles surprises, et les rares rubati restent totalement prévisibles.

Heureusement, la distribution – nous avons vu la seconde des deux réunies par le Teatro Real – rachète beaucoup de choses. Jessica Pratt est une Amina toute de candeur virginale, superbe de délicatesse diaphane, dès « Come per me sereno ». La soprano anglo-australienne offre une impeccable sûreté d’intonation, de très beaux sons filés, et se révèle brillante dans sa scène finale, nonobstant l’exiguïté de l’espace (la plate-forme extérieure d’un grenier à foin) qui lui est laissé, pour s’y mouvoir en pleine crise de somnambulisme.

Serena Saenz est une Lisa d’exception, qui fait de son air d’entrée une véritable démonstration de maîtrise : précision des aigus, netteté des coloratures, projection impressionnante. La soprano espagnole confirme son excellence dans « De’ lieti auguri », au II.

Le timbre de Francesco Demuro n’est pas naturellement le plus séduisant, et le suraigu, s’il reste toujours juste, est parfois étranglé. Mais si le ténor italien convainc sans éblouir dans « Prendi, l’anel ti dono », il enthousiasme dans « Tutto è sciolto… Ah ! perché non posso odiarti », où il réussit à combiner mordant et suavité.

Fort de moyens vocaux solides, le baryton-basse argentin Fernando Rado confère substance, et même ambiguïté, au Comte Rodolfo. La mezzo espagnole Gemma Coma-Alabert, enfin, campe une Teresa sonore et attachante, qui transcende les simplifications habituelles du personnage.

NICOLAS BLANMONT


© Javier del Real

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