Opéra-Théâtre, 27 janvier
Par une heureuse coïncidence, le Centre Pompidou-Metz présente, en ce moment, une vaste exposition consacrée à la science-fiction, où l’on peut découvrir des films bricolés à partir d’extraits d’actualités, mais aussi de scènes imaginées par des artistes. À l’Opéra-Théâtre, à la fin d’Il mondo della luna, les personnages se rassemblent devant leur téléviseur, pour admirer Neil Armstrong faisant ses premiers pas sur la Lune.
En effet, le metteur en scène Pierre Thirion-Vallet, directeur de Clermont Auvergne Opéra, a choisi de situer l’action non pas en 1777, date de la création de l’œuvre, à Esterhaza, mais en 1969. Il a réécrit les dialogues parlés, donnés en français , sans toucher aux airs, chantés dans leur italien originel. Ainsi les personnages, inspirés d’une comédie de Goldoni, se transforment-ils en savants américains et espions soviétiques. La transposition – qui cite l’album Objectif Lune d’Hergé – fonctionne, soulignant le climat de tromperies et travestissements qui fait le sel du livret.
Pour le laboratoire de l’astronome Ecclitico, le décor de Frank Aracil pose, au centre, un énorme télescope, essentiel pour la supercherie qui noue l’action, en faisant croire au naïf Buonafede qu’il voit des gens sur la Lune. Quand, au deuxième acte, l’intrigue est censée se passer sur l’astre même, des planètes de tailles variées occupent l’espace. Lorsque la vérité éclate, tous demandent l’asile politique à la France : ils montent à bord d’un gigantesque Concorde, en agitant de petits drapeaux tricolores ! Ces images font écho au merveilleux septuor qui montre Haydn à son plus festif.
L’humour de la mise en scène est servi par celui de la créatrice des costumes, Véronique Henriot : pour les dames, elle a imaginé robes aux couleurs acides, perruques choucroutées et bottes ; les messieurs, de leur côté, arborent ces affreuses nippes que Les Deschiens de Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff ont été les premiers à remettre à l’honneur. Quand les habitants de la Lune revêtent les fameuses combinaisons argentées, chères aux regrettés frères Bogdanoff, l’effet est irrésistible.
Dans la même veine, les chorégraphies de Paul Bougnotteau rappellent twist et hully-gully, qui faisaient des ravages sur les pistes de danse des « sixties ». Les éclairages de Véronique Marsy, eux aussi garantis d’époque, sont très réussis.
Le Chœur d’hommes de l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz montre que Haydn entend en faire un personnage à part entière, complice de la folie ambiante. Victime du Covid, une semaine avant la première, David Reiland, directeur musical de l’Orchestre National de Metz Grand Est, a dû céder la place à son assistant. Àgé de tout juste 24 ans, Victor Rouanet montre une grande assurance, faisant miroiter une partition le plus souvent comique, mais qui laisse également place à la tendresse, voire au drame.
Caché sous une crinière digne d’Albert Einstein, Sébastien Droy campe un Ecclitico d’une rare cocasserie, face au Buonafede de Romain Dayez, dont le beau baryton fait merveille. Enguerrand de Hys incarne un bouffon Cecco, qui va se métamorphoser en empereur de la Lune, orné de boules de neige. Les filles de Buonafede trouvent en Déborah Salazar et Catherine Trottmann des interprètes pleines de charme, dont les airs mettent en valeur des aigus aériens.
Très crédible en travesti, Mireille Lebel est un Ernesto qui, sous des ailes de plastique transparent, se déguise en étoile du Berger. Enfin, Pauline Claes incarne, avec brio, la servante Lisetta, toujours prête à remettre les hommes, ces rustres, à leur place.
Après trois représentations chaleureusement accueillies à Metz, ce spectacle savoureux ira, la saison prochaine, à Clermont-Ferrand, son coproducteur.
BRUNO VILLIEN