Opéras Samson et Dalila à Saint-Étienne
Opéras

Samson et Dalila à Saint-Étienne

20/05/2025
À gauche, Florian Laconi et Alexandre Baldo. © Opéra de Saint-Étienne/Cyrille Cauvet

Grand Théâtre Massenet, 13 mai 

On ne saurait trop féliciter Saint-Étienne d’avoir importé cette étonnante production de Samson et Dalila, venue de Kiel où elle a été créée la saison dernière, et de nous faire ainsi découvrir le talent, inconnu de notre côté du Rhin, du metteur en scène et scénographe Immo Karaman. Bannissant toute forme d’exotisme ou de transposition, ce dernier joue la carte de la stylisation, voire d’une certaine forme d’abstraction, pour opposer dans une vision monochrome et hors du temps, l’austérité de la foi des Hébreux opprimés, tout de noir vêtus, à la sensualité des Philistins triomphants habillés de blanc lumineux et brillant.

Son décor tient dans un élément unique dont les transformations, sublimées par de subtiles touches de vidéo, suffiront à créer les espaces du drame : la place publique, la maison de Dalila et le temple de Dagon. Un groupe de dix danseurs, hommes et femmes, alternativement dans les mêmes robes fluides et aériennes – où semble passer le souvenir de la dernière Pina Bausch – ou dans de sévères complets-vestons, animent chaque tableau de leur présence et semblent être le prolongement même des protagonistes, s’intégrant également au chœur pour les scènes d’ensemble et donnant une totale évidence au ballet du troisième acte qui y perd ainsi son côté « obligé ».

L’ensemble capture avec beaucoup de pertinence le glissement progressif de l’œuvre, de l’oratorio des premières scènes vers le grand opéra des dernières, avec un sens du spectaculaire et un travail sur le jeu d’acteur qui lui donnent une parfaite lisibilité. Si le metteur en scène a refusé toute mise en rapport avec une trop prégnante actualité dans un épisode biblique qui, rappelons-le, se déroule à Gaza, au final une inscription lumineuse vient assimiler la destruction du temple par Samson à un acte « terroriste », posant ainsi une interrogation à double sens.

L’autre élément majeur de cette réussite est la direction magistrale de Guillaume Tourniaire qui, à la tête de l’Orchestre Symphonique Saint-Étienne Loire, exalte la beauté de l’orchestration de Saint-Saëns et impose une lecture de la partition où la tension dramatique ne cesse de s’amplifier et dont la force suffirait à elle seule à faire vivre le drame et comble l’auditeur par sa somptuosité sonore. La distribution, entièrement francophone, est également un atout majeur de cette splendide production.

Après son Sigurd marseillais, Florian Laconi poursuit sa conquête des rôles de ténor héroïque et triomphe haut la main de celui très tendu de Samson auquel il offre une voix large, des aigus d’une remarquable franchise et une clarté d’articulation exemplaire, assumant crânement une longue perruque noire peu flatteuse et créant un véritable personnage puissant et tourmenté. La Dalila de Marie Gautrot peine en début de soirée à unifier ses registres avec des graves écrasés et des aigus explosifs et paraît bien raide dans « Printemps qui commence ». « Amour ! Viens aider ma faiblesse » manque encore un peu d’homogénéité, et il faut attendre son duo avec Samson pour que la voix se libère enfin et offre toute sa plénitude à « Mon cœur s’ouvre à ta voix », imposant son personnage duplice et ambigu.

En Grand Prêtre de Dagon, Philippe-Nicolas Martin, avec son baryton clair, paraît encore un peu « léger » pour un rôle qui demanderait plus de noirceur et d’autorité, peu aidé de surcroît par son maquillage de clown ou par cet étrange masque d’insecte qui sans doute est là pour le cacher. Excellent, le solide Abimélech d’Alexandre Baldo, et parfaitement en place, le « jeune » Vieillard hébreu de Louis Morvan et sa basse noble très prometteuse.

Le Chœur Lyrique Saint-Étienne Loire offre une prestation à la hauteur de cet excellent plateau, subtil, puissant, toujours parfaitement compréhensible, et se taille à l’instar de l’ensemble de la production un brillant succès amplement mérité.

ALFRED CARON

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