Opéras Saint-Saëns version #MeToo à Limoges
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Saint-Saëns version #MeToo à Limoges

09/11/2022
© Opéra de Limoges/ Steve Barek

Opéra, 6 novembre

En transposant à notre époque l’action de La Princesse jaune (Paris, Opéra-Comique, 1872), Alexandra Lacroix a voulu y introduire des problématiques contemporaines, à commencer par la condamnation du colonialisme et de l’exploitation du corps féminin. Sauf qu’elles s’intègrent de façon assez artificielle dans ce qui n’est, pour Camille Saint-Saëns, qu’une comédie légère.

Certes, le remplacement du fantasme « exotique » de Kornélis fonctionne plutôt bien : au portrait d’une princesse japonaise, évoqué dans le livret, se substitue l’image, partiellement voilée, d’une femme nue, projetée sur le grand écran de son ordinateur. Dans un Prologue ajouté à Limoges – construit à partir d’extraits du cycle de mélodies Nuit persane, transcrits pour chœur et mis en scène avec finesse –, est ainsi créé le climat onirique dans lequel baigne l’œuvre, justifiant le complément de titre donné à la production : La Princesse jaune et autres fantasmes.

On reste, en revanche, agacé par l’incontournable couplet #MeToo qui fait de l’unique duo des protagonistes, où Kornélis, sous l’emprise d’une drogue hypnotique, confond Léna avec la figure rêvée de son désir, une tentative de viol, illustrée par des images de shibari (le bondage japonais). Celle-ci est suivie de l’apparition d’un chœur féminin, pour un long insert dramatique militant sur le thème du « Non ! », mis en musique par Philippe Forget, qui enfonce un peu plus le clou de la culpabilisation – au cas où le spectateur n’aurait pas compris !

Le même chœur, composé en partie de femmes venues des quartiers prioritaires de la Ville de Limoges (les mères d’enfants du programme OperaKids), vide, au final, le décor de ses objets « exotiques » et les restitue, un à un, à la représentante de la culture dont il est issu. Si l’idée est astucieuse, elle semble, aussi, assez téléphonée et bien dans l’air du temps.

À quelques suraigus un peu fixes près, Camille Schnoor compose une Léna convaincante, avec une voix large, plus affirmée que le personnage originel. Mais la soprano franco-allemande manque de projection pour les dialogues parlés, entièrement réécrits, afin de coller au propos de la mise en scène d’Alexandra Lacroix, et souvent à la limite de l’audible.

François Rougier donne beaucoup de relief à Kornélis, collectionneur esthète, enfermé dans son monde, auquel il offre une parfaite diction et une voix de ténor lyrique léger, au phrasé élégant et au registre aigu d’une grande facilité. Excellent Chœur de l’Opéra de Limoges, notamment dans le Prologue, où il est subtilement spatialisé.

En fosse, Philippe Forget tire le meilleur de l’orchestre maison, avec une texture à la fois transparente et colorée, restituant à l’« opéra-comique » de Saint-Saëns, cette légèreté que lui refuse une mise en scène qui nous a semblé, au-delà de ses qualités théâtrales (bonne direction d’acteurs, décor élégant et fonctionnel), un peu trop démonstrative.

Pour retrouver l’authentique Princesse jaune, on réécoutera l’enregistrement de Leo Hussain (Palazzetto Bru Zane, 2021), avec les dialogues originaux.

ALFRED CARON


© Opéra de Limoges/ Steve Barek

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