Opéra, 16 février
Après Avignon en octobre 2023 et Nice en janvier 2024, cette production de Rusalka, mise en scène par Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeiul et présentée dans le cadre d’Opéras au Sud, vient d’accoster à Marseille, avant de terminer son périple à Toulon. Dans le compte-rendu qu’il en avait fait lors de la création dans la Cité des Papes (voir O. M. n° 198 p. 53 de décembre 2023), Mehdi Mahdavi écrivait que les metteurs en scène parvenaient, dans chacune de leur production, « à tirer un fil d’un bout à l’autre des ouvrages qui leur sont confiés […] parce qu’ils empruntent, la plupart du temps, une voie parallèle à celle qui suit l’intrigue originelle, quand tant d’autres s’évertuent à slalomer autour ».
On ne peut que souscrire à ce point de vue. Mais on peut trouver aussi qu’il s’agit d’une habileté, d’un truc qui permet de raconter l’histoire en trouvant des résonances contemporaines (ici, l’histoire de la natation synchronisée et de la volonté d’une de ses participantes d’échapper aux contraintes stéréotypées qu’elle véhicule), certes malin, mais qui reste artificiel, qui consiste à plaquer une nouvelle intrigue plutôt qu’à interroger vraiment celle qui existe déjà. À bien des égards, et malgré toutes les interprétations psychanalytiques qu’on peut en faire, Rusalka reste un conte un peu naïf et qui reste au premier degré.
Cette reprise marseillaise est dominée par la magnifique Rusalka de Cristina Pasaroiu, qui aurait dû assurer la création avignonnaise. Voix ample, saine, au timbre légèrement corsé, faisant preuve d’infiniment de ductilité dans les sons filés, elle est en outre une actrice convaincante. À ses côtés, Sébastien Guèze semble moins assuré dans le rôle du Prince (avec quelques problèmes de justesse), mais la voix est belle, fraîche, le phrasé élégant et il compose lui aussi un personnage très crédible et très juvénile. Belle prestation de Mischa Schelomianski, aux allures de Philippe Lucas, l’entraîneur de Laure Manaudou, en Vodnik paternel, ainsi que de Camille Schnoor, au grave rassurant et protecteur, en Princesse étrangère de grande allure, qui n’a rien à envier à Cristina Pasaroiu en ce qui concerne la projection de la voix. Performance remarquée également de Marion Lebègue en Jezibaba haute en couleur et très différente de l’image que l’on a du rôle habituellement.
Tous les autres rôles sont tenus avec talent et exactitude, tandis que Laurence Foster dirige l’Orchestre de l’Opéra de Marseille avec force et conviction. Ce dernier ne cherche pas à gommer les aspects parfois faciles, voire folkloriques de la partition et restitue avec ampleur son lyrisme débordant et son inépuisable richesse mélodique.
PATRICK SCEMAMA