Acteurs du monde lyrique, ils sont les meilleurs prescripteurs qui soient. Si tous s’accordent sur l’utilité de se renseigner un minimum avant d’aller voir un spectacle, c’est d’une voix unanime qu’ils conseillent au néophyte de venir « comme il est ».
Romain Gilbert (metteur en scène, France) :
« Tout d’abord, le plus important : le choix ! Il y a des œuvres et des productions plus ou moins accessibles pour une première fois. Vous pouvez demander conseil à des amis mélomanes, écouter des extraits ou bien lire Lyrik (!) pour s’initier à cet art. Avec Mozart, Verdi, Rossini, Puccini ou Offenbach, on peut difficilement se tromper. Pour ma part, mon premier coup de foudre a été pour La Flûte enchantée mise en scène par Benno Besson.
Il faut aussi se renseigner un minimum sur ce que l’on va voir. Je compare souvent l’opéra à une séance de cinéma : on se rend rarement dans une salle obscure sans avoir vu la bande-annonce ou lu le synopsis du film. C’est pareil pour l’opéra ! Mon dernier conseil serait de laisser à la porte ses préjugés sur le supposé élitisme de cet art : l’opéra est pour toutes et tous. Aujourd’hui, on s’y rend en baskets, en short, seul ou entre amis ! »
Julie Fuchs (soprano, France) :
« Il ne faut pas hésiter à s’essayer à des genres différents, du baroque au romantique, dans des mises en scène classiques et plus modernes, afin de se faire sa propre opinion et d’affiner ses goûts. Se renseigner, en amont, sur l’œuvre que vous allez voir permettra d’avoir des repères et une connaissance globale de ce qui est raconté.
Aussi, assistez à une représentation en étant accompagné, de préférence par quelqu’un qui est un habitué, et qui pourra vous rassurer quant à vos éventuelles craintes. Par ailleurs, il y a des billets à des prix très attractifs dans la plupart des maisons d’opéra aujourd’hui, notamment pour les jeunes. L’opéra n’est pas un art réservé aux riches ! »
Lea Desandre (mezzo-soprano, France, Italie) :
« L’opéra est une invitation au voyage. Celui du rêve et de la spiritualité… Un temple pour votre imagination. Le moteur doit être votre curiosité et en aucun cas la contrainte. Aller à l’opéra, écouter un opéra, c’est être disposé à s’ouvrir à un nouveau monde comme lorsqu’on commence un roman, et à se laisser guider par ses émotions. Que cela soit en écoutant une compilation d’airs de vos chanteurs préférés, en allant au cinéma — où vous pourrez avoir accès à de merveilleuses productions des quatre coins du monde — ou en vous rendant dans une maison d’opéra, faites-le dans la joie, informez-vous sur l’intrigue (lisez le livret, le contexte historique) et laissez-vous emporter. La magie opérera. »
Marina Viotti (mezzo-soprano, France, Suisse) :
« Comme pour le 7e art, il y en a pour tous les goûts ! L’œuvre, les artistes et la mise en scène vont être autant d’éléments qui vont influer sur vos sens. Il est difficile de choisir par quoi commencer, mais je conseillerais un opéra pas trop long et correspondant à vos goûts : plutôt comique (un opéra de Rossini ou d’Offenbach par exemple) ou tragique (un « tube » comme Rigoletto, Carmen ou La Bohème...). Il faut être curieux, se renseigner sur les programmations, lire le résumé des œuvres sur Wikipédia, un peu comme on le fait avec un film, et se lancer dans l’aventure ! Et même si l’opéra est en langue étrangère, il y a des sous-titres, donc pas d’inquiétude !
Cela peut impressionner d’y aller sans en connaître les codes, mais franchir le pas accompagné de quelqu’un qui s’y connaît un peu atténuera cette appréhension. En tout cas, ayez surtout l’esprit ouvert et laissez de côté vos a priori. Ça pourrait bien vous plaire ! »
Peter Gelb (directeur du Metropolitan Opera de New York, Etats-Unis) :
« Le meilleur conseil que je pourrais donner aux jeunes qui ne sont jamais allés à l’opéra, c’est d’oser ! Je garde toujours à l’esprit que dans le public, il y a sûrement des gens qui viennent pour la toute première fois et il faut donc leur offrir le meilleur pour les inciter à revenir. L’opéra, par sa richesse artistique, permet une expérience complètement transformatrice, car aucune forme d’art ne combine autant d’éléments différents : de grandes forces musicales, des idées et concepts visuels… En étant à la tête d’un opéra, je dois m’assurer que j’engage les meilleurs solistes, chefs d’orchestre, compositeurs et metteurs en scène afin de créer de grandes soirées. Il est aussi très important que le public s’identifie aux œuvres, aux personnages, que ce soit dans les opéras de Verdi, Puccini ou Donizetti comme dans les créations.
La saison dernière, au Metropolitan Opera, Fire Shut Up in My Bones de Terence Blanchard a rencontré un immense succès et a attiré de nombreux spectateurs qui n’étaient jamais allés à l’opéra auparavant, car l’histoire est prenante et résonne dans notre monde contemporain. L’actualisation des opéras plus anciens est permise par la mise en scène. Mais attention, « actualiser » ne veut pas dire « déconstruire » : déconstruire les œuvres au point qu’on ne les reconnaisse plus, je pense que ce serait la mort de l’opéra. »
PROPOS RECUEILLIS PAR MAXIME PIERRE ET EDOUARD BRANE
Article à retrouver dans LYRIK 2
