Opéras Otello à Madrid
Opéras

Otello à Madrid

10/10/2025
Asmik Grigorian et Brian Jagde. © Javier del Real

Teatro Real, 22 septembre

La reprise de cette production de 2016 (voir O. M. n° 122 p. 46 de novembre) qui ouvre la saison du Teatro Real suscitait une grande attente en raison des débuts de Brian Jagde dans un rôle réservé à très peu de ténors. Dans ce chef-d’œuvre d’un Verdi septuagénaire, son avant-dernier ouvrage lyrique, on a le sentiment d’être face à l’aube de la modernité : Puccini, Mahler ou Strauss semblent poindre dans une orchestration foisonnante, la plus vaste de Verdi. Le cluster initial à l’orgue, la liberté et l’indétermination harmoniques, la continuité dramatique, l’effacement des formes traditionnelles et l’utilisation de l’éclairage électrique pour les éclairs et le tonnerre de la tempête inaugurale (« lampi e fulmini ») confirment l’audace d’une partition qui marque un tournant dans l’histoire de l’opéra et de la musique.

Le rôle d’Otello exige dramatisme, lyrisme et une grande endurance physique. Brian Jagde, cependant, ne convainc ni vocalement ni scéniquement : voix assombrie dans le registre central, justesse pas toujours précise, articulation et diction peu claires. Bien qu’il s’améliore au fil de la soirée, il n’atteint pas l’héroïsme, l’autorité ni la rage exigés par la partition. Gabriele Viviani, pour sa part, offre un Iago vocalement solide mais sans la cruauté corrosive du personnage. Le sommet de la distribution est sans conteste la Desdemona d’Asmik Grigorian : émouvante, solide scéniquement, avec un phrasé plein de vérité et de profondeur, surtout dans la « chanson du saule », le passage le plus beau et le plus réussi de la soirée.

Nicola Luisotti dirige avec assurance et métier un chœur remarquable et un orchestre compétent – ceux du Teatro Real – qui manquent pourtant parfois de précision, notamment chez les premiers violons ou dans des passages délicats comme le récitatif des contrebasses de l’acte III. L’Italien ne parvient pas à accumuler la tension nécessaire et la force manque dans des scènes clés, comme l’étranglement de Desdemona au IV. De plus, un certain arbitraire dans les dynamiques aplatit des contrastes essentiels, comme à la fin du « Credo » de Iago, où Verdi demande des nuances extrêmes – pppp pour les cordes, pp pour la voix.

MIGUEL MORATE-BENITO D’ALTON

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