Captée lors de l’ouverture du festival 2022, où Daniele Gatti faisait ses débuts comme directeur principal du Maggio Musicale Fiorentino (voir O. M. n° 183 p. 38 de juin), cette production paraît aujourd’hui en vidéo, au moment même où le chef milanais est nommé directeur musical.
Le regard rapproché qu’offre la vidéo – réalisation exemplaire de Tiziano Mancini – met en lumière plus clairement que dans la salle le projet scénique du regretté Pierre Audi : dès le début, Orphée manifeste une attirance pour Amour ; Eurydice en souffre au point d’en mourir – d’une mort symbolique, s’entend. Ce ménage à trois traverse tout le spectacle et ne trouve qu’en apparence sa résolution dans le finale. Dans cette perspective, les hésitations et les ambivalences d’Orphée prennent une tout autre résonance.
Le cadre scénique, résolument minimaliste, met en valeur les lumières de Jean Kalman, ainsi que les chorégraphies au ralenti de la compagnie d’Arno Schuitemaker, dont les danseurs accompagnent de bout en bout les trois protagonistes, au service d’une lecture recentrée sur la dimension intérieure du drame.
La version française de 1774 retenue ici, enrichie de plusieurs numéros nouveaux, d’une orchestration plus riche et avec le rôle -d’Orphée transposé pour haute-contre, donne naissance à un drame héroïque ambitieux, qui transcende les contours de l’original et prolonge l’élan réformateur de Gluck, visant à épurer l’action scénique et à renforcer l’osmose entre texte et musique.
Sonorités nerveuses et contrastées, style limpide, soin du moindre détail : à la tête d’un orchestre aux instruments principalement modernes, Daniele Gatti emprunte une voie librement inscrite dans l’esprit de l’interprétation historiquement informée, au service d’un récit constamment tendu et habité. En Orphée, Juan Francisco Gatell s’en sort honorablement grâce à une technique sûre, un chant nuancé et une présence dramatique intense, qui souligne la fragilité humaine du héros grec. L’Eurydice d’Anna Prohaska convainc davantage à l’écran que sur scène, son jeu compensant un timbre peu flatteur. L’Amour de Sara Blanch séduit par la chaleur de sa voix et sa solidité technique. On ne saurait oublier le chœur, placé dans la fosse, qui allie clarté sonore et richesse de couleurs.
PAOLO DI FELICE
1 DVD Dynamic 38073 & 1 Blu-ray 58073
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