Opéras Orlando à Ravenne
Opéras

Orlando à Ravenne

05/12/2025
Francesca Pia Vitale et Filippo Mineccia. © Luca Concas

Teatro Alighieri, 14 novembre

Pour fêter comme il se doit Haendel, le Festival de Ravenne consacre sa « Trilogie d’automne » au célèbre compositeur allemand, avec le sous-titre « L’invisibil fa vedere Amore » extrait de l’Orlando furioso de l’Arioste. Avec les moyens qui lui sont attribués, l’équipe de direction parvient à proposer deux opéras et un oratorio autour d’une distribution de jeunes et de moins jeunes talents, dirigée par Ottavio Dantone à la tête de son Accademia Bizantina. Fidèle à cette manifestation à laquelle il est fréquemment associé, l’infatigable Pier Luigi Pizzi s’est une fois encore prêté à cet exercice qui consiste à concevoir une scénographie, une mise en scène et des costumes communs aux deux productions lyriques. Le metteur en scène connaît les ficelles du métier, et à 95 ans sait mieux que personne recycler ce qui a fait sa notoriété : murs et sols en miroirs, perspectives, bassin ou autel, cuir et taffetas voluptueux, les éclairages et les images vidéo ayant été confiés à Oscar Frosio et Matteo Letizi. 

Le résultat est sans grande surprise, mais toujours raffiné et d’un classicisme de bon aloi, en accord avec les titres choisis cette année, Orlando (1733) et Alcina (1735). Les versions légèrement remaniées et la manière de les représenter se répondent donc par leur esthétique, la gestuelle des interprètes, jusqu’à la présence d’un Amore (rôle muet interprété par Giacomo Decol) qui accompagne les méandres amoureux dans lesquels se débattent les personnages. Les toiles peintes n’étant plus d’actualité, Pizzi a laissé carte blanche à Matteo Letizi pour que son cadre scénique soit régulièrement animé par de nombreuses et belles images de jardins, de bosquets ou de nature (Orlando), de belles apparitions de coraux, de lourdes portes et de vastes pièces apparaissant comme par enchantement dans Alcina, à la demande de la magicienne. 

La lecture assez simple, pour ne pas dire simpliste, des ouvrages, privilégie la lisibilité et laisse au spectateur le soin de remplir les vides qui parsèment ces intrigues, notamment dans Alcina, où il est difficile pour quelqu’un qui ne connaîtrait pas l’œuvre de deviner que l’héroïne retient prisonniers sur son île tous ses amants…

Loin des distributions prestigieuses du passé, Pizzi dirige ses interprètes avec calme et sérénité, tout en adaptant son regard à cette nouvelle génération. Autrefois confié à la mythique Marilyn Horne, Orlando est désormais tenu par des contre-ténors, comme c’est le cas ici avec Filippo Mineccia, dont l’expression vocale limitée, l’aigu serré et les graves détachés du reste de l’instrument ne donnent qu’un aperçu partiel de la partition. Sa vélocité ultracontrôlée, ses da capo aux vocalises prévisibles n’offrent au final qu’une performance louable à défaut d’être électrisante, notamment dans la scène de folie qui demande plus de hauteur et de virtuosité.

Francesca Pia Vitale dessine un avantageux portrait de la belle Angelica, sait tirer profit de sa partie, joue son rôle avec conviction et semble chez elle sur les planches où elle évolue avec une grâce indéniable. Martina Licari est une délicieuse Dorinda, dont la voix coule de source, lumineuse, sensible et qui sait briller dans le trio du premier acte, « Consolati o bella », aux côtés d’Angelica et de Medoro. Le contre-ténor Elmar Hauser (Medoro) est un peu fade pour faire réellement exister son personnage, en raison d’un timbre uniforme et incolore, d’une caractérisation un peu plate et d’une technique lacunaire, impressions qui seront en partie atténuées le lendemain dans Alcina ; à l’instar du baryton-basse Christian Senn (Zoroastro), rocailleux et brutal de ligne dans ses arie, certes difficiles, mais qu’il exécute courageusement, sous le regard affûté d’Ottavio Dantone, également au continuo. Le chef italien dirige Haendel avec autant de précision que d’élégance, un sens du théâtre affirmé, insuffle à ces pages au schéma très codifié, et donc répétitif, ce qui fait l’esprit de cette musique, où se côtoient tout ensemble bravoure, folie et magie.

FRANÇOIS LESUEUR

Filippo Mineccia (Orlando)
Francesca Pia Vitale (Angelica)
Elmar Hauser (Medoro)
Martina Licari (Dorinda)
Christian Senn (Zoroasto)
Ottavio Dantone (dm)
Pier Lugi Pizzi (ms/dc)
Oscar Frosio (l)

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