Opéra National de Lorraine, 5 octobre
En ouverture de saison, Nancy reprend, avec le même chef mais une distribution entièrement renouvelée, ce spectacle créé en janvier dernier au Châtelet (voir O. M. n° 210 p. 63 de mars 2025), et qui affiche toujours les mêmes qualités et limites dramaturgiques, les amours et exploits des héros et héroïnes de l’Arioste étant vus au prisme de l’imaginaire d’enfants qui se sont laissé enfermer pour la nuit dans un musée.
Expérience de découverte pour les enfants de la Maîtrise citoyenne itinérante, et certainement formatrice pour les quatre élèves danseuses et danseurs du Conservatoire Régional du Grand Nancy associés à l’un ou l’autre des quatre protagonistes, mais lecture un peu courte pour soutenir l’intérêt sur trois actes, et donner vraiment corps et vie aux personnages. Comme à Paris, deux moments sont franchement ratés : le trio qui conclut le premier acte, où le couple d’amoureux (Angelica et Medoro) s’emploie à consoler Dorinda, transformé en absurde et embarrassante scène de triolisme, et, plus grave encore, la scène de la folie d’Orlando, à la fin du II, en principe centre névralgique de l’œuvre, mais cette fois encore anticlimax absolu, tant visuel que musical, avec une direction sans tension et une chanteuse à la peine.
Fine musicienne mais virtuose prudente, Noa Beinart manque il est vrai d’ampleur et surtout de grave pour incarner un Orlando convaincant, rôle taillé pour le castrat Senesino. L’autre contralto, Rose Naggar-Tremblay, quoique annoncée souffrante, n’a aucun mal à imposer un Medoro – type pourtant du héros effeminato – autrement marquant par sa haute stature et sa voix de bronze, au point qu’on aurait bien échangé leurs parties… si ce n’était manifestement là un choix constant du chef. Face à l’Angelica de Mélissa Petit, au timbre dense et aux vocalises étincelantes, la Dorinda de Michèle Bréant fait un peu pâle figure malgré une certaine fraîcheur, soprano plus irrégulier, à l’aigu facile mais au médium pauvre et pas très posé. Enfin, Olivier Gourdy prend manifestement beaucoup de plaisir à composer un Zoroastro débonnaire de sa basse juvénile, claire et agile.
La direction énergique – sauf hélas dans la scène de folie ! – de Christophe Rousset apporte à tous un soutien efficace. Le travail d’articulation et de sonorité mené avec l’orchestre moderne de la maison porte des fruits inégaux, les airs les plus simples sonnant souvent moins adéquats. Il retrouvera ses Talens Lyriques pour les reprises à Caen et Luxembourg.
THIERRY GUYENNE
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