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Opéra Éclaté fait escale à Clermont-Ferrand

31/10/2022
Nelly Blaya

Opéra-Théâtre, 14 octobre

Malgré sa séparation d’avec le Festival de Saint-Céré (voir O. M. n° 167 p. 21 de décembre 2020), la compagnie Opéra Éclaté, fondée par Olivier Desbordes, en 1986, reste fidèle à sa double mission : décentraliser l’art lyrique, grâce à des productions à moindre coût, et favoriser l’insertion de jeunes artistes, en particulier chanteurs.

Ce nouveau Cosi fan tutte, créé à l’abbaye-école de Sorèze, en juillet dernier, tourne donc, avec deux distributions, en une quinzaine de lieux, pour la plupart ruraux et dans des espaces non prévus pour le spectacle, voire en plein air, à la notable exception des deux théâtres coproducteurs : Clermont Auvergne Opéra et l’Opéra de Massy.

D’où le choix d’un orchestre réduit à quatorze musiciens (arrangement de Jonathan Lyness), la suppression des chœurs, et, en l’absence, le plus souvent, de toute possibilité de surtitres, le remplacement des récitatifs secs par des dialogues parlés en français. Ce qui donne à l’œuvre des allures d’« opéra-comique », en modifiant profondément son équilibre musical et dramaturgique.

La mise en scène d’Éric Perez est habile, agréable à l’œil, très bien réglée pour la direction d’acteurs, et souvent drôle. Toute l’action est confinée dans une sorte de boîte circulaire rouge, couleur des murs comme du mobilier, où évoluent les personnages, tout de blanc vêtus – jolis costumes intemporels de Stella Croce. Une coursive au-dessus de ce « laboratoire onirique » permet à Don Alfonso et Despina – ici couple constitué et véritables démiurges expérimentateurs –, mais aussi aux fiancés, d’épier l’action, conçue comme une mise à l’épreuve des cœurs et des corps, visant à libérer chacun du carcan des conventions.

Nous manque, néanmoins, l’ambiguïté insufflée par Mozart, à partir du second acte : car comment, à l’écoute de la musique, mettre sur le même plan les ébats joyeux et sans arrière-pensée de Dorabella avec Guglielmo, et la reddition douloureuse de Fiordiligi à Ferrando, révélatrice d’un bouleversement profond ? Tout comme paraît un peu courte de vue la conclusion de l’histoire, en une joyeuse partie carrée.

À la tête d’un petit effectif orchestral, sonnant parfois maigrelet, en particulier les cordes, et pas toujours assez transparent, Gaspard Brécourt se montre alerte et élégant. Mais il n’évite pas quelques décalages et, dans les nombreux récits accompagnés, ne trouve pas toujours la fluidité requise.

Les jeunes chanteurs, tous en prise de rôle, montrent de bons moyens vocaux et un réel talent dramatique. Des qualités qui pourraient sans doute suffire dans Le nozze di Figaro, mais pas dans Cosi fan tutte, qui exige une tout autre discipline (en particulier pour les tessitures tendues de la soprano et du ténor), et davantage d’art dans l’appariement des timbres.

Les deux sœurs manquent ainsi de fondu. Ania Wozniak est une Dorabella extravertie à souhait, mais manquant de pureté de ligne et souffrant de sérieux problèmes d’intonation dans l’aigu. Émouvante Fiordiligi, Julie Goussot affronte, avec franchise et énergie, les écarts et les coloratures de « Come scoglio », mais paraît plus démunie devant le cantabile de « Per pietà », handicapée par un aigu plafonnant de plus en plus, au cours de la soirée.

Les deux soupirants montrent beaucoup de complicité. Remplaçant Jean Miannay, souffrant, Blaise Rantoanina prête à Ferrando son joli timbre et son élégance, plus à l’aise toutefois dans la rage de « Tradito, schernito » que dans la ligne suspendue de l’élégiaque « Un’aura amorosa ». Lui répond le Guglielmo hâbleur de Mikhael Piccone, bonne voix, mais sans excès de raffinement.

Marielou Jacquard est une Despina délurée jusqu’à l’impertinence, à laquelle son mezzo ductile confère beaucoup de présence, malgré quelques aigus tirés. On est plus réservé sur Antoine Foulon, Don Alfonso manipulateur à souhait, mais dont l’émission grossie compromet la magie du trio « Soave sia il vento ».

Précisons toutefois que chanter, deux soirs d’affilée (les 13 et 14 octobre), un ouvrage aussi long doit être redoutable, et tous semblaient, à des degrés divers, un peu fatigués.

Dans la tournée à venir, notons que l’escale à l’Opéra de Massy, en janvier prochain, se donnera avec l’effectif orchestral au complet.

THIERRY GUYENNE


© Nelly Blaya

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