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One Morning Turns Into An Eternity à Salzbourg

27/08/2025
Aušrinė Stundytė. © Salzburger Festspiele/Ruth Walz

Felsenreitschule, 10 août 

Pour répondre à la proposition qui lui était faite de monter Erwartung, Peter Sellars a choisi comme nécessaire complément de programme le dernier volet de Das Lied von der Erde de Mahler, Der Abschied (L’Adieu), ajoutant même en interlude les Cinq pièces pour orchestre op. 10 de Webern, qui sont à peu près contemporaines, non prévues à l’origine. Le tout pour une durée d’une heure trente environ, donnée sans entracte. Au lieu par exemple du classique Château de Barbe-Bleue de Bartók qui accompagnait en 1995 la production de Bob Wilson sous l’ère Mortier. Il justifie ce choix un peu surprenant en faisant valoir ce qui serait la force du concept, qui fait passer de la crise existentielle du Schoenberg à la promesse de salut du Mahler, dont un vers du poème chinois, traduit en anglais, donne son beau titre au projet : « un matin se transforme en éternité ».

Le résultat est pourtant assez peu convaincant, dans la mesure d’abord où, malgré les liens historiques évidents entre les compositeurs, leurs œuvres appartiennent à des univers différents, voir antithétiques, l’esthétique de Mahler relevant du monde d’autrefois alors que celle de Schoenberg exprime – et avec quelle violence –, la rupture avec ce passé. Dans le cadre également paradoxal du Manège des rochers, et de son énorme espace, pour deux chanteurs seulement et un spectacle aussi bref, George Tsypin a posé côté cour neuf hautes structures tubulaires, telles qu’on les a vues souvent chez lui, tournant indépendamment sur elles-mêmes et semées de petites taches de lumière. Supposées évoquer la forêt du livret, elles projettent leurs grandes ombres menaçantes sur les galeries de la Felsenreitschule, laissées visibles sur la partie gauche, mais non utilisées, sinon pour projeter les sous-titres, dans des éclairages violemment contrastés. Tandis que la seconde partie, avec le même décor mais après un brutal hiatus musical, évolue notamment dans ce qui se voudrait l’apaisement d’un bleu céleste évoqué par le texte. Une poignée d’idées annexes complètent, dont celle, assez dérisoire, voire saugrenue, du corps de l’amant apporté dans un linceul par deux livreurs en tenue de travail, au début d’Erwartung, et jeté négligemment de côté dans la suite de l’action.

Le tempérament explosif d’Aušrinė Stundytė est particulièrement en situation dans Schoenberg, les ressources dramatiques bien connues de l’actrice parvenant à varier ses allées et venues passablement répétitives, entre les arbres de la forêt et le cadavre de l’amant, dans une gestuelle accentuée, relevant de fait du pur expressionnisme. Et la voix au timbre chaleureux est à son meilleur, même si la profusion orchestrale ne permet pas toujours une claire compréhension du texte. Remplaçant Wiebke Lehmkuhl d’abord prévue mais absente pour raisons de santé, la jeune mezzo Fleur Barron, qui avait donné plusieurs fois l’œuvre en tournée la saison dernière, d’une douce et délicate beauté en scène, et au parfait legato, apporte l’émotion qui manquait jusque-là, sans pour autant rendre vraiment crédible sa lente déambulation, qui répète, en mineur, celles de la première partie.

Les splendides Wiener Philharmoniker brillent évidemment de tous leurs feux, notamment la flûte solo de Karl-Heinz Schütz dans Der Abschied. Mais si la mise en place est impeccable, on en voudra à Esa-Pekka Salonen de donner une lecture aussi prosaïque du sublime Mahler, dont on a dans l’oreille autant d’interprétations aux phrasés plus inspirés. Pour un bilan global passablement frustrant donc, inquiétant un peu aussi sur la capacité de renouvellement de Sellars, dont Le Joueur de Prokofiev, l’été dernier, sur le même plateau et avec un Tsypin autrement pertinent, était pourtant des plus inventifs et persuasifs.

FRANÇOIS LEHEL

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