Opéras Marcel Landowski fêté à Nantes
Opéras

Marcel Landowski fêté à Nantes

09/06/2023
© Angers Nantes Opéra/Delphine Perrin

Théâtre Graslin, 13 mai

Angers Nantes Opéra appartient à ces établissements lyriques, qui mettent leur point d’honneur à ressusciter régulièrement des œuvres oubliées. Même si sa création ne remonte qu’à trente-cinq ans, La Vieille Maison de Marcel Landowski (1915-1999) en fait partie.

Issu d’une commande du Festival des Chœurs d’enfants de Nantes, l’opéra vit le jour, le 23 février 1988, au Théâtre Graslin, avec Marc Soustrot à la baguette et, dans la distribution, Catherine Dubosc, Jean-Philippe Lafont et Michel Sénéchal. Le succès fut au rendez-vous, et le spectacle mis en scène par Nicolas Joel, qui alla à Bordeaux, Cannes et Montpellier, fut enregistré par Erato. Ensuite, silence… Comme l’écrit Benoît Duteurtre, dans le programme de salle, Landowski et « sa position foncièrement humaniste, dans un siècle qui le fut si peu » n’eurent plus l’occasion de retrouver le public.

En tout point réussie, cette nouvelle production permet de vérifier que La Vieille Maison possède des atouts qui la rendent plus actuelle que jamais. Signé du compositeur en personne, le livret part de la même situation que celui de Colette pour L’Enfant et les sortilèges de Ravel : un enfant s’endort dans sa chambre. Ensuite, tout diffère. Chez Landowski, Marc,en proie à un cauchemar, est assailli par des personnages qui l’accusent : « Tu as volé, tu as menti »… Ce n’est qu’à la fin d’épreuves initiatiques que l’adolescent retrouve la sérénité.

Auteur à la fois de la mise en scène, des décors, des costumes et des lumières, Éric Chevalier donne au spectacle sa cohérence et son unité, dans le respect de l’écriture vivante et expressive de Landowski. Le lit de Marc est disposé devant un grand castelet, où apparaissent des marionnettes menaçantes, maniées par le redoutable Chantelaine, caché sous une vaste houppelande. Comme par magie surgissent la jolie Mélusine, que Chantelaine finit par poignarder, ainsi que trois Brigands et trois Mendiants.

Transcrite pour un petit ensemble instrumental par Florent Sénia et Tommy Bourgeois, la partition est dirigée, avec une grande sensibilité, par Rémi Durupt, magnifiant l’univers onirique qui baigne l’œuvre, et en fait l’originalité.

La révélation de la soirée est le jeune contre-ténor Théo Imart. Étrange, éthérée, sa voix, qui semble n’avoir ni âge ni sexe, fait de Marc le passeur entre deux mondes, celui du quotidien et celui de l’ailleurs. Le baryton Philippe Ermelier joue de sa carrure et de sa voix bourrue, pour camper un Chantelaine inquiétant.

Avec sa défroque rappelant Giulietta Masina, inoubliable Gelsomina dans La Strada de Federico Fellini (1954), la soprano Dima Bawab est une touchante Mélusine, qui surgit dans un feu d’artifice de vocalises. Le ténor Éric Vignau incarne l’inquiétant Chapeau, tandis que Brigands et Mendiants sont chantés par des artistes du Chœur d’Angers Nantes Opéra, dirigé par Xavier Ribes.

On en retrouve d’autres sur le plateau, alors que les quatre loges flanquant la scène sont occupées par des enfants et adolescents, garçons et filles, issus de la Maîtrise de la Perverie. Leurs interventions, tout au long de la soirée, ajoutent au climat de rêve éveillé que suscite, avec art, Marcel Landowski.

Pour finir, deux souhaits. D’abord qu’une production aussi réussie soit, lors des prochaines saisons , reprise et donnée en tournée. Ensuite que les directeurs de théâtre se souviennent des autres œuvres lyriques du compositeur français : Le Ventriloque, Montségur, La Sorcière du placard aux balais… Il y a sûrement de belles (re)découvertes à faire !

Bruno Villien


© Angers Nantes Opéra/Delphine Perrin

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