Opéras Manon à Paris
Opéras

Manon à Paris

03/06/2025
Amina Edris et Benjamin Bernheim. © Opéra National de Paris/Sébastien Mathé

Opéra Bastille, 26 mai

Michel Parouty écrivait à la création de cette production : « pas honteuse, elle est ratée », et craignait « qu’elle ne vieillisse mal » (voir O. M. n° 160 p. 58 d’avril 2020). La reprise confirme ce pressentiment. Même transposition dans les Années folles, même plaquage des provocations de Joséphine Baker, adjonction d’un personnage fictif, déguisement de Brétigny en nonne, mêmes couleurs criardes au bal masqué substitué au Cours-la-Reine, mêmes gesticulations dans la chorégraphie du ballet, et pour couronner le tout, même exécution de Manon fusillée contre le mur d’une caserne.

Amina Edris, qui va devoir assurer toutes les représentations après le retrait de Nadine Sierra, joue avec habileté sans direction d’acteurs. Son entrée (« Je suis encore tout étourdie »), le premier duo avec des Grieux, (« Nous vivrons à Paris »), ne manquent ni de charme ni d’émotion. Au Cours-la-Reine (bal masqué clos dans un luxueux intérieur), les aigus tirés ou esquivés (pas de ) inquiètent. À partir du duo de Saint-Sulpice (« N’est-ce plus ma main ? »), il faut compter sur les aigus du ténor. Hélas, à l’hôtel de Transylvanie, devenu maison de passe, le contre-ut (« de l’or ! ») n’est doublé par personne. Des Grieux est le rôle le plus approprié aux qualités de Benjamin Bernheim. Diction, legato, musicalité font merveille dans le rêve (« En fermant les yeux ») et l’aigu assumé à Saint-Sulpice affronte vaillamment l’acoustique des lieux.

La distribution est dominée par la grande incarnation du Comte des Grieux. Nicolas Cavallier, en superbe forme vocale, sait passer du texte parlé au chant comme l’exige l’« opéra-comique ». Dès son entrée, dignité et simplicité caractérisent son duo avec Manon (« Faut-il donc savoir tant de choses ? »), phrasé « légèrement et cependant avec expression ». Sa présence à Saint-Sulpice est exemplaire : « Les grands mots que voilà ! » avec une légère ironie, comme indiqué, puis l’Andante « simple et sans lenteur » (« Épouse quelque brave fille »). Et que d’autorité à l’hôtel de Transylvanie ! (« Oui je viens t’arracher à la honte ! ») Toujours, Philippe Rouillon étonnera par le mordant de sa diction et la portée de sa voix de bronze. Honorable, le reste de la distribution mériterait de meilleures conditions. La direction pleine d’allant et nuancée de Pierre Dumoussaud, les chœurs préparés par Ching-Lien-Wu tirent le meilleur parti de l’ensemble.

PATRICE HENRIOT

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