Voici tout juste un an, ce spectacle, capté à huis clos, à l’Opéra-Comique, mais que nous avions eu la chance de voir depuis la salle, nous avait fait l’effet d’un rayon de soleil (voir O. M. n° 170 p. 46 de mars). Sa magie est intacte au DVD, filmé les 18 et 19 janvier 2021.
Titon et l’Aurore, « pastorale héroïque » – et non « tragédie en musique » –, dont l’intrigue tient en deux lignes, s’accommode assurément d’une mise en scène à la fois littérale et féerique. D’autant que la naïveté du marionnettiste Basil Twist n’est qu’apparente, dès lors qu’un certain kitsch n’exclut pas le second degré, particulièrement prégnant dans le traitement des deux « méchants » dieux, l’un des Bergers – Palès – et l’autre des Vents – Éole. Et comment résister à cette armada d’adorables moutons, et plus généralement, à une fantaisie qui titille sans cesse notre capacité d’émerveillement ?
Dans la fosse, William Christie et Les Arts Florissants font feu de tout bois, ainsi que l’appelle une écriture particulièrement virtuose, qui séduit, étonne même, y compris lorsque Mondonville fait usage de formules tout sauf novatrices. L’orchestre et son chef conjuguent ainsi alacrité, rusticité et majesté, jusqu’à la plus enivrante jubilation.
Celle-ci est comme décuplée à chaque apparition conjointe d’Emmanuelle de Negri et de Marc Mauillon, qui partagent l’art délicat de se tenir en équilibre sur le fil que leurs personnages tendent entre malveillance et ridicule. La soprano fait claquer ses consonnes et fulmine sur des aigus trempés dans l’acide. Et si le timbre atypique du baryton – ou ténor ? – reste affaire de goût, la précision du verbe et une présence flamboyante forcent l’admiration, a fortiori après l’entrée en matière valeureuse, mais trop pâle, du Prométhée de Renato Dolcini.
La silhouette de Gwendoline Blondeel n’est pas pour rien, sans doute, dans le ravissement suscité par l’apparition de l’Aurore, révélant un instrument aux galbes légers, que des manières un rien désuètes rendent plus précieux encore, tandis que l’Amour de Julie Roset distille des charmes encore un peu verts.
Reinoud Van Mechelen, enfin, anime Titon de son émission haute, à la fois franche et raffinée, qui le rend aussi indispensable à ce répertoire que cette nouvelle version de Titon et l’Aurore, trente ans après l’enregistrement audio de Marc Minkowski (CD Erato « Musifrance »), difficilement trouvable aujourd’hui.
1 DVD Naxos 2.110693 & 1 Blu-ray NBD 0131 V
MEHDI MAHDAVI
