Opéras L’opéra brésilien à Manaus (suite)
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L’opéra brésilien à Manaus (suite)

09/06/2023
© Marcio James

Teatro Amazonas, 21 mai

Après O Contractador dos diamantes, Piedade (Pitié) est l’occasion de faire plus ample connaissance avec l’opéra brésilien. Sauf que, cette fois, son auteur est bien vivant – Joao Guilherme Ripper est né à Rio de Janeiro, en 1959 –, et le texte, de la main du compositeur, est écrit en portugais.

Créé en 2012, au Teatro Vivo Rio de Rio de Janeiro, l’ouvrage s’inspire d’un fait divers, survenu le 15 août 1909 : l’assassinat de l’écrivain, sociologue, journaliste et ingénieur Euclides da Cunha, alors âgé de 43 ans, par l’amant de sa femme, Dilermando de Assis, agissant en état de légitime défense. Le crime eut lieu chez ce dernier, domicilié dans le quartier de Piedade, à Rio de Janeiro (d’où le titre).

En une heure et quarante-cinq minutes, enchaînées sans entracte, le livret narre les principaux épisodes ayant conduit à la tragédie, avec une concision et un sens de la progression dramatique qui tiennent le spectateur en haleine, même s’il ne comprend pas le portugais. La mise en scène de Julianna Santos joue, il est vrai, la carte de la lisibilité, dans un décor on ne peut plus simple : le bureau de l’écrivain, au centre ; et un assemblage de plates-formes et de marches, que l’on distingue derrière d’immenses voiles tombant des cintres.

La direction d’acteurs explicite chacune des étapes du drame, qui oppose seulement trois personnages : Euclides (baryton), Anna, son épouse (soprano), et Dilermando (ténor). Homero Velho apporte humanité et émotion au premier, notamment dans la scène ultime, quand, ne supportant plus la situation, il part pour abattre son rival, le rate, et finit avec une balle en plein cœur. Gabriella Pace chante magnifiquement en épouse adultère, Daniel Umbelino complétant ce trio brésilien, avec beaucoup de charme et de facilité dans l’aigu.

Si Piedade se regarde et s’écoute avec énormément de plaisir, c’est aussi parce que la musique, fondamentalement tonale, coule avec autant de séduction que d’invention. Comme dans O Contractador dos diamantes, la ligne vocale de la soprano et du ténor rappelle certes Puccini (enivrant duo d’amour !), et l’on repère parfois de forts échos mahlériens dans l’orchestre. Mais, comme dans le cas de Francisco Mignone, on est saisi par la singularité de ce langage, à laquelle contribuent le recours fréquent à la dissonance et les références à la musique populaire brésilienne.

Le plus marquant, peut-être, reste le rôle confié à la guitare. En charge des interludes, tous plus beaux les uns que les autres, l’instrument, ici joué par Paulo Pedrassoli, avec une poésie infinie, crée une atmosphère unique. Et quand il accompagne, au dernier tableau, la « Sérénade » du ténor, on chavire !

Adapté pour formation de chambre, en 2017, Piedade, dans sa version originale, fait appel à un orchestre symphonique. Sous la baguette d’Otavio Simoes, l’Amazonas Filarmonica se surpasse, dans une partition qui le met particulièrement en valeur, notamment dans ses passages les plus figuratifs, évoquant la bande-son d’un film.

Une excellente surprise, donc, qui donne envie de découvrir les sept autres opéras de Joao Guilherme Ripper.

Richard Martet


© Marcio James

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