Palais Garnier, 30 novembre
La création de cette production, en janvier 2022, avait eu les honneurs de la présence au pupitre de Gustavo Dudamel, qui faisait, à cette occasion, ses débuts dans la fosse du Palais Garnier (voir O. M. n° 180 p. 46 de mars 2022). Pour cette première reprise, Louis Langrée, venu en voisin de l’Opéra-Comique, dont il est le nouveau patron, prend le relais.
Si l’Orchestre de l’Opéra National de Paris paraît bien moins discipliné – et c’est un euphémisme – que sous la baguette de son nouveau directeur musical, l’alliage, chez le chef français, de science et d’instinct mozartiens confère à la partition le relief que lui refusait la battue trop lisse de son cadet vénézuélien. Justesse des tempi et des accents : même sans se hisser au degré de folie espéré, la scène prend enfin vie.
Et il n’en fallait pas moins pour soutenir un plateau plutôt bancal. L’italien messied à Sophie Koch, qui prend sans doute, en Marcellina dépourvue de mordant, une forme de pause, avant sa première Isolde, en février, au Capitole de Toulouse. Le Basilio d’Éric Huchet n’est guère plus probant sur le plan vocal, mais sa vis comica le place à la même hauteur que le Bartolo de James Creswell, dont l’air est enlevé avec panache.
Annoncée souffrante, Jeanine De Bique l’est très manifestement, puisque son soprano, ailleurs pimpant, se trouve réduit à une tête d’épingle, dès lors quasi imperceptible, à l’exception de quelques raucités, dans le tiers inférieur du registre de Susanna. Et Rachel Frenkel, moins légère, certes, que Lea Desandre, en janvier dernier, n’a pas le quart de la moitié du charme de son Cherubino.
Dans le désert actuel des titulaires pour la Comtesse, rôle assurément parmi les plus délicats du répertoire, Miah Persson parvient à tirer son épingle du jeu, grâce à une tenue de la ligne et de l’intonation qui compense un timbre que le passage des ans, en patinant la délicieuse fraîcheur de sa jeunesse haendélienne, a rendu assez commun.
Reconduit en Figaro après avoir sauvé, quasi in extremis, la première série de représentations, Luca Pisaroni n’a pas retrouvé son aigu, mais prodigue le plaisir d’un italien authentique – même quand, comme c’est le cas, ce soir, il lui arrive de sembler un peu las.
S’il a pour désavantage de succéder à Peter Mattei qui, malgré le sort que la mise en scène fait subir au Comte, #MeToo patenté, dominait les débats, Gerald Finley n’en est pas moins admirable, dans son grand air surtout, où l’art du diseur, autant que du chanteur, porte la tension à son comble.
Le spectacle de Netia Jones, enfin, se laisse revoir sans déplaisir, délivrant sans détour, mais ni éclat, ni fantaisie, son message féministe, dans un cadre moderne, mais pas trop. Assez neutre, en somme, pour être la page blanche sur laquelle s’inscriront les distributions appelées à s’y succéder.
MEHDI MAHDAVI