Opéra, 16 décembre
Venue de Sydney, cette production se caractérise par une forme de profusion propre aux spectacles de fin d’année : somptuosité des décors et des costumes, féerie de la chorégraphie (Chiara Vecchi), dispositifs facétieux comme cet œil immense qui, côté cour, scrute les personnages, figurants spectaculaires (échassier…), forte présence des choristes. Où qu’il aille, le regard a de quoi se nourrir au point parfois qu’on cherche la cohérence. Damiano Michieletto dit avoir souhaité raconter trois histoires différentes, et c’est bien ce qui pose question, en l’absence d’un véritable fil conducteur. Néanmoins, libre aux spectateurs de se laisser envoûter par la beauté du dispositif.
Dès le premier acte, le ton est donné : vêtus d’un camaïeu de vert aquatique qu’on croyait réservé à Rusalka ou Platée, des danseurs occupent la scène ; ils ne la quitteront plus, ici devenus souris, là trio satanique. C’est dans une salle de classe que se déroule l’acte d’Olympia, sans doute parce que femme-enfant. Percés de trous, les panneaux des décors abritent divers accessoires, à la manière d’un cabinet de curiosités géant et faisant le lien avec l’acte d’Antonia – curieusement ici une danseuse ayant perdu l’usage de ses jambes. Par le passage brusque du coloris rose bonbon à un rouge luxurieux, celui-ci annonce la suite : un hall d’hôtel chic ou, plus probablement, une maison close où l’on arbore les masques vénitiens de rigueur pour une soirée déguisée. Si ce déluge visuel n’aide pas forcément à appréhender l’œuvre dans sa complexité, que renforce ici une édition issue des différentes versions disponibles et la suppression des dialogues parlés, il contribue à en renforcer le caractère magique.
Dans le rôle-titre, Iván Ayón Rivas (Hoffmann) fait preuve d’une belle vaillance, son aisance dans l’aigu n’enlevant rien à la clarté de sa diction. Le ténor péruvien garde trace d’un accent colorant sa voix, ce qui confère à Hoffmann un caractère méditerranéen inattendu et non sans charme. À ses quatre personnages, Marko Mimica apporte des graves soignés et profonds ainsi qu’une manière de sécheresse dans le phrasé qui accentue leur rudesse diabolique. Affublée d’un perroquet, Victoria Karkacheva est un Nicklausse de belle tenue, l’expressivité et la clarté du chant compensant une prestation scénique assez neutre.
En Olympia, Eva Langeland Gjerde fait valoir une délicate prestation vocale, affirmant un jeu mécanique assez sobre – ce qui n’est pas si fréquent –, au délicieux sourire figé. Amina Edris est une solide Antonia, engagée dans le jeu qui, il est vrai, lui impose de marquer son handicap pour faire oublier un livret qui la contredit. Femme fatale quelque peu hautaine, Clémentine Margaine séduit en Giulietta. On observera que cette distribution homogène intègre plusieurs solistes issus des chœurs de l’Opéra et surtout du Lyon Opéra Studio.
Dans la fosse, la direction nerveuse d’Emmanuel Villaume appuie efficacement le dispositif scénique. Néanmoins, l’orchestre sonne parfois un peu sourdement et la lisibilité des pupitres s’en ressent.
JEAN-MARC PROUST
Iván Ayón Rivas (Hoffmann)
Jenny Anne Flory (La Muse, La Voix de la Mère)
Victoria Karkacheva (Nicklausse)
Eva Langeland Gjerde (Olympia)
Amina Edris (Antonia)
Clémentine Margaine (Giulietta)
Marko Mimica (Lindorf, Coppélius, Miracle, Dapertutto)
Vincent Ordonneau (Andrès, Cochenille, Frantz, Pitichinaccio)
François Piolino (Spalanzani)
Vincent Le Texier (Crespel)
Alexander de Jong (Schlémil, Hermann)
Hugo Santos (Luther)
Filipp Varik (Nathanaël)
Emmanuel Villaume (dm)
Damiano Michieletto (ms)
Paolo Fantin (d)
Carla Teti (c)
Alessandro Carletti (l)