Opéras Les Carmélites de retour à Bordeaux
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Les Carmélites de retour à Bordeaux

09/06/2023
© Éric Bouloumié

Grand-Théâtre, 2 juin

Créée en février 2013 (voir O. M. n° 82 p. 40 de mars), déjà à l’Opéra National de Bordeaux, cette production de Dialogues des Carmélites, signée Mireille Delunsch, n’a pas pas pris une ride.

Comme nous l’écrivions dans notre compte rendu : « Somptueux costumes d’époque, décors raffinés (la reproduction de La Madone des pèlerins du Caravage ornant le salon du Marquis), sublimes éclairages à la bougie (magnifique idée que cette rangée de cierges séparant Blanche et Madame de Croissy, pendant leur première entrevue), direction d’acteurs affûtée (fulgurante image de la Première Prieure mourant en serrant convulsivement dans ses bras une Blanche aux membres raidis par l’effroi) concourent à un spectacle d’une facture impeccable. »

Succédant à Nader Abbassi, Emmanuel Villaume dirige, avec autant d’autorité que de souffle, un très bel Orchestre National Bordeaux Aquitaine. Dommage que, dans un Grand-Théâtre trop petit pour un opéra aussi riche sur le plan instrumental, la fosse sonne constamment fort. Passe encore pour les interludes, absolument enivrants, mais les chanteurs, nouveaux par rapport à 2013, se heurtent à une barrière qui ne leur facilite pas la tâche.

Côté masculin, aucun problème. De l’impeccable Marquis de Frédéric Caton au Chevalier viril et sonore de Thomas Bettinger, en passant par l’Aumônier tout en finesse de Sébastien Droy et une solide équipe de seconds plans, le contrat est rempli, avec une diction, de surcroît, excellente. Côté féminin, le bilan est plus mitigé, avec de grosses disparités selon les rôles.

Mireille Delunsch rejoint, hélas, la longue liste des sopranos fourvoyées dans le grand contralto de Madame de Croissy. Beaucoup trop claire, régulièrement inaudible dans une écriture trop basse pour elle, la voix retire tout impact au personnage de la Première Prieure. Comment une artiste aussi intelligente  ne s’est-elle pas aperçue qu’elle faisait fausse route ?

Au même stade de carrière, Patrizia Ciofi, sans vraiment convaincre, réussit mieux sa Madame Lidoine. Certes, la projection n’est plus ce qu’elle était, sauf dans l’aigu forte, et on ne comprend rien à ce qu’elle chante – handicap rédhibitoire dans l’un des textes les plus puissants de toute l’histoire de l’opéra. Mais la soprano italienne parvient encore à distiller de miraculeux effets dans les passages de douceur et de prière, quitte à trop tirer la Nouvelle Prieure vers  Amina dans La sonnambula.

Lila Dufy est attachante, même si son timbre ne possède pas la candeur et la transparence que l’on attend en Sœur Constance, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur campant une Mère Marie de très grand relief. La voix est riche, homogène, puissante, et la diction satisfaisante. La morgue et le tranchant d’une Nadine Denize, jadis, ou d’une Sophie Koch, aujourd’hui, font probablement défaut, sans rien retirer à la force d’une incarnation dont nous nous souviendrons.

Anne-Catherine Gillet, enfin, reste l’une des meilleures Blanche du moment. Dès sa prise de rôle, à Avignon, en mars 2011 (voir O. M. n° 62 p. 42 de mai), son adéquation avec les exigences du rôle nous avait paru évidente. En douze ans, le portrait n’a pas beaucoup changé, l’instrument répondant toujours aux sollicitations de la musique avec une aisance confondante.

RICHARD MARTET


© Éric Bouloumié

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