Opéras Le Villi à Eindhoven
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Le Villi à Eindhoven

23/05/2025
Ivan Thirion et Sílvia Sequeira. © Joost Milde

Parktheater, 18 mai

Le Villi, premier opéra de Puccini, créé en 1884 mais révisé plusieurs fois par le compositeur jusqu’à sa version définitive de 1889, est très rarement monté. Les grandes scènes reculent devant sa brièveté (à peine plus d’une heure) et l’effectif qu’il réclame : trois solistes, un grand chœur et un corps de ballet pour la scène finale où le fantôme d’Anna, la fiancée morte de douleur, se venge de l’homme qui l’a trahie en le livrant à la fureur des Willis, ces jeunes filles abandonnées et mortes d’amour dont l’esprit hante les bois.

Plutôt que de le coupler avec une autre œuvre courte, Opera Zuid a eu l’idée de le « compléter » en commandant à la compositrice israélo-néerlandaise Karmit Fadael (née en 1996) un prologue d’une vingtaine de minutes évoquant l’errance d’Anna abandonnée, égarée et en quête de sens. Intitulée Silenzio, la pièce plonge l’auditeur dans un climat onirique qui n’est pas sans évoquer Erwartung de Schoenberg ou le Bartók de Barbe-Bleue, mais il y manque sans doute un supplément de lyrisme pour la partie vocale, susceptible de soutenir le texte assez sec de Rick van Veldhuizen. Surtout, la direction d’acteurs de la chorégraphe Dreya Weber reste assez sommaire, voire un peu maladroite, et condamne l’interprète aux mêmes allers-retours dans le petit espace scénique.

C’est aussi le cas dans l’opéra de Puccini où les chanteurs sont un peu sacrifiés au profit de la danse qui envahit chaque tableau depuis celui de la fête des fiançailles en passant par l’abandon d’Anna, puis de l’interlude symphonique qui évoque la perdition de Roberto à la ville. Le décor de voiles translucides sophistiqué que teintent les lumières et où de longues bandes verticales figurent les arbres de la forêt sert de base aux chorégraphies, dans lesquelles le chœur des Villi, garçons et filles dans les même robes, se transforme par moments en véritables sylphides cachées dans les troncs. Malgré la qualité des danseurs, la répétition des mêmes mouvements, y compris ceux de la danse aérienne si spectaculaire, finit par se banaliser et la scène finale qui devrait survenir comme un moment d’extraordinaire tension et de violence, les Willis forçant Roberto à danser avec elles jusqu’à ce que mort s’ensuive, y perd de sa force. Les costumes des chanteurs et du chœur dans un registre quelque peu folklorique alourdissent l’esthétique d’un spectacle que l’on souhaiterait plus fluide.

Des trois solistes vocaux, on distinguera particulièrement l’Anna de Sílvia Sequeira qui possède déjà, malgré son jeune âge, l’ampleur des grands rôles lyriques pucciniens. Le Roberto du ténor Denzil Delaere, annoncé malade, est de fait privé des extrêmes de la tessiture, ce qui est particulièrement sensible dans les aigus, problématiques, mais n’empêche pas d’apprécier la beauté du timbre et du phrasé. Dans le rôle épisodique de Guglielmo, le baryton Ivan Thirion manque un peu de profondeur et expose quelque problèmes de justesse.

L’excellent chœur d’Opera Zuid et l’orchestre Philzuid donnent le meilleur d’eux-mêmes sous la direction compétente de Karel Deseure. Et si le spectacle n’est pas tout à fait à la hauteur de notre expectative, il a le mérite de l’originalité dans le choix de l’œuvre.

ALFRED CARON

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