Opéras Le retour du Trouvère à Paris
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Le retour du Trouvère à Paris

01/02/2023
© Opéra National de Paris/Sébastien Mathé

Opéra Bastille, 21 janvier

Pas plus à la création de cette production d’Il trovatore, au DNO d’Amsterdam, en octobre 2015 (voir O. M. n° 112 p. 40 de décembre), que lors de cette nouvelle reprise, à l’Opéra National de Paris, les mouvements de la machinerie censément spectaculaire de La Fura dels Baus n’ont comblé le vide abyssal de la mise en scène d’Alex Ollé. Qu’il soit dès lors permis de ne même plus la regarder.

Il ne faut pas non plus compter sur Carlo Rizzi, pour mettre la partition de Verdi à feu et à sang : sans vision, ni théâtre, mais assez lisse, pour que l’orchestre soigne plutôt le son.

Sans rivaliser avec les ambitions des distributions réunies en 2016 et 2018, le présent plateau tient assez bien son rang. Ainsi, Samy Camps ne passe pas inaperçu dans le peu qui revient à Ruiz, à l’instar, quoique dans une moindre mesure, de Marie-Andrée Bouchard-Lesieur en Ines.

Déjà Ferrando, voici sept ans, aux côtés d’Anna Netrebko, Ekaterina Semenchuk, Marcelo Alvarez et Ludovic Tézier, Roberto Tagliavini reprend très excellemment du service, avec l’inestimable luxe d’un vrai trille.

Il faut mettre au crédit de Yusif Eyvazov un souffle assez long pour tenir la ligne de « Ah ! si, ben mio » – et même réussir à en varier la dynamique –, la facilité, et l’éclat constant sur tout l’ambitus, jusqu’à un contre-ut infaillible, qui lui permet de sortir vainqueur (et avec quel panache !) de l’exploit sportif de « Di quella pira ». Si bien que le ténor azerbaïdjanais domine, comme peu d’autres actuellement, les défis de Manrico. La couleur n’en reste pas moins ingrate, engorgée et peu latine, et l’acteur figé, le regard inexpressif, dans des postures scéniques rudimentaires.

Une fois admis qu’Anna Pirozzi n’est ni Anna Netrebko, ni Sondra Radvanovsky, qui l’ont ici précédée, la soprano italienne a de solides arguments à faire valoir. À commencer par un format idoine – ce qui est loin d’être fréquent. Un timbre plutôt flamboyant, aussi. Et une sincérité un peu gauche, enfin, qui rend sa Leonora attachante, à défaut d’être noble – travers qu’accentuent, dans « D’amor sull’ali rosee » surtout, la dureté, sinon la stridence, de l’aigu forte, et des piani tantôt incertains et grimaçants, tantôt limités à des intentions louables, mais inabouties, quand ils ne sont pas carrément esquivés.

Le baryton clair, quoique bien assez ample, d’Etienne Dupuis tranche avec une certaine tradition, qui fait souvent paraître Luna beaucoup plus mûr que son rival et frère. Si l’engagement physique donne chair à un vrai personnage, dont la fougue prêche certes dans un désert théâtral, le chant est plus admirable encore, à la fois moelleux et rayonnant. Parce que le mordant et le legato, qui trop souvent s’excluent, s’allient pour porter le phrasé à ébullition.

Sans avoir tout à fait les moyens adéquats, quelques mezzos ont, ces dernières années, pu donner le change en Azucena, grâce à des tempéraments hautement inflammables. Judit Kutasi, elle, a l’exacte envergure vocale du rôle, avec une chaleur, un velours, un relief qui, s’ils sont d’abord les signes d’une pulpeuse jeunesse, donnent peu à peu une réelle profondeur à son incarnation, saluée par une longue et intense ovation.

MEHDI MAHDAVI


© Opéra National de Paris/Sébastien Mathé

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