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Le nozze di Figaro au Conservatoire National Supérieur Paris

31/03/2025
Candice Albardier, Lysandre Châlon, Thaïs Raï-Westphal, Paul-Louis Barlet, Alix de Guérines, August Chevalier et Antonin Alloncle. © CNSMDP/Ferrante Ferranti

CNSMDP, Salle Rémy Pflimlin, 13 mars

Montée au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, en coproduction avec la Philharmonie de Paris, ces Nozze di Figaro ont avant tout une visée pédagogique, tant pour les jeunes chanteurs que pour les instrumentistes. Les deux maîtres d’œuvre, aussi compétents que zélés, et marchant manifestement main dans la main, ont rempli cette mission en nous offrant un très plaisant spectacle. Avec une humilité qui n’exclut nullement une grande finesse, Mariame Clément se place dans la ligne de Beaumarchais, rendant clairs les enjeux, mettant en lumière tout le sous-texte social et sexuel du livret, notamment dans les récitatifs secs, grâce à un piano-forte diligent.

On regrette un peu que ce minutieux travail sur le sens n’ait pas davantage porté aussi sur la qualité de l’italien, qui laisse chez beaucoup à désirer, tant pour l’exactitude que pour la fluidité. Chose plus si fréquente, tous les gags de la pièce font mouche avec une évidence réjouissante. Parmi les excellentes trouvailles, notons l’hilarante partie de shifumi improvisée in extremis par Susanna et la Comtesse pour dissimuler leurs signes alertant Figaro, ou un inquiétant jeu de chaises musicales sur le Fandango de la fin du III. Voici une folle journée qui, dans des décors épurés évocateurs, de très belles lumières et des costumes d’un XVIIIe élégant, tient son rythme sans relâche, grâce à la direction vive et souple de Paul Daniel, qui s’y entend à merveille pour enchaîner les scènes ou au contraire suspendre le fil par un silence lourd de signification. Il offre un merveilleux tapis aux voix et, si les cordes paraissent parfois un peu rêches, les vents font entendre leur voix unique et malicieuse. La vie est là, l’œuvre sonne neuve, et cette fraîcheur fait passer les quelques décalages, voire quelques erreurs des chanteurs.

Pour la distribution, le bilan est plus contrasté : certes, ces voix sont encore en construction, mais on ne peut s’empêcher de penser que pour certains, l’Everest à escalader était trop important pour que les progrès soient vraiment profitables. Les plus expérimentés pour l’aisance scénique et linguistique ont été le couple Suzanne-Figaro. On apprécie chez Lysandre Châlon un baryton-basse mordant et robuste, avec la rondeur qu’il faut dans le grave. L’aigu peut encore gagner en concentration et en liberté, mais la proposition est globalement déjà très convaincante. Thaïs Raï-Westphal incarne une Susanna volontaire et piquante, parfois un rien dure dans l’aigu, plus convaincante dans la théâtralité de son premier air que dans la poésie du « Deh vieni, non tardar ». De plus, son timbre s’accorde fort mal avec celui de la Comtesse dans leur délicieux duetto. 

Il faut dire que distribuer Candice Albardier en Comtesse est un peu téméraire : certes, elle lui confère une certaine fraîcheur et de l’espièglerie, mais la noblesse mélancolique lui fait défaut. Beaucoup de problèmes techniques sont encore à régler, particulièrement sensibles dans « Porgi amor » et dans les ut du trio « Susanna, or via, sortite », hors de portée. Le Comte de Paul-Louis Barlet a de l’allure et le ton cassant adéquat, même si cette voix claire manque un peu de corps et de grave. L’air est néanmoins très bien caractérisé, malgré des vocalises simplifiées, avec un fa dièse très facile. Léontine Maridat est un adorable Cherubino, face à la Barbarina un peu verte de Chun Li, qui donne trop de voix dans son ariette – tendance d’ailleurs largement partagée sur le plateau, en tout cas dans cette salle. Marcellina et Bartolo sont impayables scéniquement, mais Alix de Guérines montre un instrument un peu trémulant. Et confier Bartolo à une basse aussi indigente, sans focus ni projection, qu’August Chevalier interroge sur le niveau de l’établissement. Enfin, à côté de l’Antonio efficace de Nicolas Hézelot, soulignons la double performance d’Antonin Alloncle, désopilant Curzio et Basilio, cauteleux à souhait. Malgré ces problèmes de distribution, on sort avec l’impression d’avoir vraiment assisté aux Nozze di Figaro.

THIERRY GUYENNE

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