1 CD Triton /Maguelone Trihort 588

Ce n’est là qu’une pochade qui nous en apprend plus sur l’époque de sa composition que sur la personnalité et l’œuvre à venir de son auteur. Un auditeur d’aujourd’hui ne peut qu’être surpris par un tel sujet qui, à première vue, reprend les pires clichés du racisme et de la misogynie. Mais, ne l’oublions pas, nous sommes en 1874, dans le cadre privilégié du Cercle de l’Union artistique. L’orientalisme est encore à la mode et cette opérette de salon ne se veut ni réaliste ni politique.
Le livret de Louis Gallet et Paul Poirson (ensemble ils signeront, trois ans plus tard, celui de Cinq Mars pour Charles Gounod) ne cherche qu’à divertir, en donnant vie à cinq personnages, héritiers des Mille et Une Nuits et d’une veine lyrique déjà ancienne. Zaï-Za, pupille du vieux marchand Ali-Bazar, a perdu son voile à la mosquée et a été sauvée de la vindicte de ses coreligionnaires par le jeune confiseur Hassan. Sidi-Toupi, le derviche tourneur qui officiait alors, a entrevu son visage et entend l’épouser au plus vite. Par malchance, Zaï-Za ne pourra se marier que si sa sœur Bel-Boul, qui cumule tous les défauts physiques (elle n’apparaît même pas sur la scène !), peut être casée avant elle. Grâce à l’ingéniosité de Fatime, tout s’arrangera au mieux pour les deux amoureux.
Sur ce scénario bien indigent mais qui en vaut d’autres, Massenet, âgé alors de 32 ans et qui s’est déjà signalé avec Don César de Bazan et Marie-Magdeleine, invente une musique charmante, habile, tout à fait dans l’air du temps. Très vite, par la suite, il saura montrer un talent plus original. Retenons au moins dans cette partition la sérénade que chante Hassan. Sous le titre de Nuit d’Espagne, elle sera souvent reprise alors que L’Adorable Bel-Boul ne sera plus qu’un lointain souvenir.
Par chance, toute l’équipe rassemblée afin de redonner quelques couleurs à cette opérette s’acquitte au mieux de sa tâche. L’accompagnement au piano de Sylvie Leroy sait rendre du tonus à ce bref récit et tous les interprètes ont un métier assez sûr pour donner à chacun de ces personnages un semblant de caractère. Parties parlées et parties chantées voisinent sans accroc. Une question se pose néanmoins : est-ce là vraiment une redécouverte majeure ? Voyons-y tout au plus une curiosité, à laquelle on ne prêterait guère d’attention si elle ne portait pas la signature du compositeur de Manon.
PIERRE CADARS
Héloïse Koempgen (Zaï-Za) – Gaëlle Mallada (Fatime) – Christophe Crapez (Sidi-Toupi) – Julien Henric (Hassan) – Didier Henry (Ali-Bazar)
Sylvie Leroy (piano)
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