Arena Sferisterio, 18 juillet
Pour son 60e anniversaire, le « Macerata Opera Festival » surprend en inaugurant son édition 2025 avec une incursion dans l’opérette : Die lustige Witwe de Franz Lehár, donnée ici dans une adaptation italienne. Une option héritée de l’ancien directeur artistique Paolo Gavazzeni – récemment remplacé par Marco Vinco –, qui paraissait déjà audacieuse sur le papier. Car si l’acoustique du majestueux Sferisterio reste remarquable, la magie du plein air impose l’amplification des dialogues, créant une rupture sensible avec l’orchestre. Mais la réserve la plus forte tient à la réécriture radicale du livret : le personnage de Njegus est métamorphosé en valet de comédie napolitaine, une caricature étrangère à l’esprit original. La grâce légère et subtile de Lehár, nourrie de malentendus raffinés et de doubles sens typiques de la Felix Austria, cède ainsi la place à des dialogues volontiers grossiers signés Gianni Santucci.
Les libertés prises touchent aussi à la partition. Le lever de rideau s’ouvre sur la Marche funèbre de Chopin orchestrée par Elgar, accompagnant les obsèques du banquier Glawari, ponctuées de cris et gémissements du chœur – un effet appuyé et de mauvais goût. Les ajouts culminent au troisième acte, où le cancan d’Orphée aux Enfers d’Offenbach se mêle à des citations de la Quatrième Symphonie de Mahler (grand admirateur de Lehár, comme le rappellent les souvenirs d’Alma) et à un long extrait de Gaîté parisienne servant de support à des chorégraphies répétitives et monotones. Un véritable pastiche, bien loin de l’élégance revendiquée par le metteur en scène Arnaud Bernard.
À la direction, Marco Alibrando tente de préserver l’équilibre : dynamique maîtrisée, recherche de phrasés viennois… Des intentions louables, souvent étouffées par la dispersion de l’ensemble. On retient deux moments d’émotion vraie : l’accompagnement, recueilli et inspiré, du « Vilja-Lied », et le duo Camille-Valencienne, baigné d’une atmosphère rare, enfin fidèle à Lehár. Côté distribution, la Hanna Glawari de Mihaela Marcu s’impose comme le grand atout de la soirée. La soprano roumaine conjugue élégance et justesse scénique, avec une voix ample et souple, capable de fins effilements, malgré quelques tensions dans l’aigu, le plus souvent franchi avec assurance. Alessandro Scotto di Luzio campe un Danilo chaleureux, timbre ouvertement tenorile, généreux et musical.
Valerio Borgioni, en Rosillon, confirme son potentiel : aplomb, souplesse, et quelques tensions dans les contre-ut du pavillon. Cristin Arsenova, vive en scène, ne dispose pas d’une projection suffisante pour donner tout son relief à Valencienne. Alberto Petricca livre un Baron Zeta solide, entouré d’un ensemble de seconds rôles bien distribués : la Sylviane vive et espiègle de Laura Esposito, le Saint-Brioche brillant de Francesco Pittari, le Bogdanowitsch sonore de Giacomo Medici. Marco Simeoli, vif Njegus, souffre des faiblesses d’un personnage lesté de répliques sexistes et malvenues. L’accueil du public est poli plutôt qu’enthousiaste, saluant davantage l’événement que son exécution.
ERMANNO CALZOLAIO