Opéras La traviata à Rouen
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La traviata à Rouen

25/10/2025
Chelsea Lehnea et Anthony Clark Evans. © Caroline Doutre

Théâtre des Arts, 4 octobre 

Après de nombreuses reprises depuis sa création à Aix-en-Provence en 2011, dont la dernière à Nancy en 2023 (voir O. M. n° 195 p. 83 de septembre), c’est au tour de Rouen d’accueillir la Traviata de Jean-François Sivadier. Sa mise en scène désormais bien connue joue la carte du théâtre pur : scénographie réduite à quelques toiles peintes sur châssis et lustres descendant des cintres, matelas au sol, chaises de bistrot qu’on ne cesse d’aligner ou de jeter à terre, la « servante » et les comédiens sur scène avant que ne commence l’action. Tous ces tics du théâtre « moderne » agacent quelque peu. Pourtant, l’ensemble nous conduit, à force de concentration, à un dernier acte de toute beauté où sur le plateau nu, Violetta meurt, débarrassée de sa perruque peroxydée et le visage passé au cold cream. Alors interprète et personnage se confondent dans une pleine incarnation.

Les choses commencent plutôt mal pour Chelsea Lehnea, au moins jusqu’au « Sempre libera » où elle donne la mesure de ses moyens dans des vocalises d’une extraordinaire virtuosité. Le parlando verdien ne lui réussit guère et expose une voix pincée desservie par des voyelles ouvertes très laides. Il faut sans doute accuser la mise en scène d’en rajouter sur la vulgarité du personnage car dès le deuxième acte, elle se révèle imposante de dignité et atteint des sommets d’expressivité dans le duo avec Germont père. Sa voix se coule sans difficulté dans les exigences de ce rôle multiple, de la colorature du début au lyrisme éthéré de la fin en passant par les accents mélodramatiques de l’acte II. 

Le jeune ténor mexicain Leonardo Sanchez offre à Alfredo un splendide timbre lyrique très central, une projection sans faille et un engagement de tous les instants, composant un personnage juvénile tout à fait convaincant. Le baryton puissant, au tranchant aiguisé, d’Anthony Clark Evans donne au vieux Germont toute l’autorité voulue avec un instrument richement timbré qui lui permet toutes les nuances et fait de son duo avec Violetta un moment des plus intenses.

Passé un premier acte un peu trop tonitruant, la direction de Dayner Tafur-Díaz, aux tempi très contrastés, porte le plateau jusqu’à un succès final sans réserve, avec au moins cinq rappels. Des petits rôles bien caractérisés, on retiendra la Flora de Mathilde Ortscheidt et l’Annina d’Aliénor Feix. Timothée Varon s’impose en Douphol et la basse chaleureuse de François Lis en Docteur Grenvil. Grégoire Mour paraît un peu léger en Gastone, mais le plus énigmatique reste le comédien Florian Sietzen dont on se demande quel rôle le metteur en scène a voulu lui faire jouer.

Comme toujours, le chœur Accentus se révèle impeccable, se taillant un beau succès dans le ballet des bohémiennes et des matadors qu’il assume avec brio.

ALFRED CARON

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